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messéant. Le fils d’un fermier-général se marie-t-il avec une « fille sans bien et de grande qualité, » il déclare que c’est folie : « elle pourra fort bien le mépriser, et il aura à sa charge nombre de beaux-frères indigens qui croiront l’honorer beaucoup en lui demandant de l’argent. » Et à propos de « gens riches et de fortune » qui, pour imiter les gens de condition, vont, le premier vendredi après leur mariage, à l’Opéra dans la première loge du côté de la reine : « Tel est aujourd’hui le luxe et l’impertinence, dit-il, il suffit d’être riche pour jouer à la grande. » Lorsque la simple fille du sieur Poisson, Mme d’Étiolles, depuis marquise de Pompadour, devient la maîtresse du roi, Barbier a d’abord quelque peine à la trouver à sa place, et après avoir décrit l’opulence modérée au milieu de laquelle elle avait vécu avant d’obtenir des faveurs au-dessus de sa naissance, il se pose gravement la « question de savoir si cet état n’était pas préférable pour une bourgeoise de cette espèce à la qualité de maîtresse du roi. » Il éprouve cependant une joie maligne à la pensée que « ce sera dans peu, des princesses et dames de la cour, à qui y soupera. » Et lorsqu’au bout de quelques mois il constate que la bourgeoise-marquise « tient toujours son même rang, au grand regret des femmes de cour, » il épouse définitivement une cause qu’il regarde presque comme celle de son ordre. Malgré son humeur stationnaire, l’humiliation des grands lui est douce et la guerre aux privilèges lui semble juste. L’antique prérogative en vertu de laquelle le clergé « prétendait ne contribuer aux charges de l’état que volontairement et par don gratuit » est sans le moindre prestige à ses yeux. « Dans le fond, dit-il, ce privilège prétendu ainsi que tous les autres ne sont que de pures visions. La taxe des impositions doit être proportionnelle. En Angleterre, les terres du clergé, de la noblesse et du tiers-état paient également, sans distinction. Rien n’est plus juste. » Aussi notre avocat souffre-t-il impatiemment que la « gent ecclésiastique ait les bras longs » et qu’elle soit assez « à craindre » pour empêcher une réforme désirée par le pays et par le pouvoir.

Barbier parle généralement des prêtres avec malveillance, des querelles théologiques avec mépris, et de l’irréligion avec inquiétude. En même temps qu’il se moque des chrétiens qui prennent leur foi au sérieux, il a peur des philosophes qui ébranlent les croyances populaires ; peut-être même n’est-il pas fâché de conserver pour son propre compte un petit « fonds de religion » qui puisse « reprendre le dessus dans les calamités. » Il est d’ailleurs aussi superstitieux que peu dévot, aussi amateur de présages merveilleux, de songes prophétiques, de « faits bien surprenans » et de « miracles embarrassans pour les gens d’esprit » que d’anecdotes scandaleuses et de lestes chansons ; ce qui ne l’empêche pas de déclarer