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est vrai, dans d’autres voies par la lampe des croyances religieuses, a, comme on l’a dit, retrouve la Bible. On est libre de disputer sur les origines du protestantisme en Angleterre et sur les motifs plus ou moins honorables qui l’ont suscité, mais il y a un fait qui domine tout. En se séparant de Rome, Henri VIII a coupé le câble qui retenait la Grande-Bretagne au continent. C’est surtout à dater de cette époque indécise et troublée que la nation anglaise a dégagé son caractère, ses institutions et ce qu’on oserait appeler son moi moral des liens étrangers de l’orthodoxie. C’était donc le cas de résumer, après la salle de la renaissance, l’unité du peuple britannique dans un monument solennel. Ce monument de fantaisie, exécuté d’après les plans de M. Digby Wyatt, s’élève tout à l’extrémité de la nef. C’est une galerie complète des rois et des reines d’Angleterre depuis l’heptarchie saxonne jusqu’à la dynastie normande, et depuis lors jusqu’au règne de Victoria. Dans cette longue série où les monarques se succèdent par ordre chronologique et se superposent les uns aux autres avec les principaux traits de leur époque, une figure a beaucoup embarrassé les artistes chargés d’écrire sur la pierre les annales de leur nation. Admettrait-on parmi les rois celui qui a fait couper la tête de Charles Ier ? Le grand homme qui n’a point encore de tombeau dans l’abbaye de Westminster se dresserait-il avec ses grosses bottes molles, l’épée au côté et le chapeau sur la tête, entre les représentans d’une institution qu’il avait détruite ? Et pourtant, d’un autre côté, son absence ne laisserait-elle point une grave lacune dans l’histoire ? N’est-ce point à lui que les Anglais les plus dévoués à la monarchie font remonter l’organisation de leur armée, l’expansion de leur commerce et la grandeur de leur marine ? Après une délibération du comité, la statue d’Olivier Cromwell fut écartée du monument royal ; mais elle devait naturellement prendre place dans la galerie des hommes célèbres. En face de la lignée des souverains, on a en effet distribué dans toute la longueur des transepts les bustes ou les statues des grands généraux, des hommes d’état, des écrivains, des savans, des philosophes, appartenant à l’Angleterre et à tous les autres pays. Ces derniers expriment l’ordre de succession au trône de la pensée et la glorieuse filiation des connaissances humaines.

Ici finit l’histoire illustrée de l’art. C’est sans doute par lui qu’il fallait commencer, car les anciennes sociétés ont généralement recherché le beau avant l’utile. Dans la mythologie grecque, l’orgueilleuse Junon rougit d’avoir donné naissance à Vulcain, qui représente le travail manuel. À Rome, les professions mécaniques étaient encore exercées par les esclaves. C’est le caractère des nations modernes d’avoir apporté avec elles dans les diverses contrées de l’Europe une