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et colorent les faits connus sans les dénaturer[1]. Les types d’architecture qu’on a réunis dans la cour égyptienne (egyptian court) n’ont point toujours été pris à telle ou telle ruine ; ce sont plutôt des illustrations de différens styles groupées de manière à donner une idée du développement de l’art chez cette nation mystérieuse. Qu’on ne s’attende point toutefois à trouver dans ces changement le caractère du progrès aussi fortement empreint que sur l’histoire des édifices appartenant à des peuples plus modernes. La religion s’y opposait ; des dogmes pétrifians avaient à jamais fixé les symboles du culte ; la loi de cet art, comme celle de la société tout entière, était l’immobilité. L’idée de M. Owen Jones est même que nous ne connaissons bien que l’époque de la décadence du style égyptien ; l’ère de sa grandeur et de sa perfection a été ensevelie avec les plus anciens pharaons ; c’est à peine si nous en découvrons çà et là quelques débris d’autant plus beaux qu’ils sont plus anciens. Encore bien moins pouvons-nous atteindre à l’enfance de cet art, qui se perd dans la nuit des temps. Une avenue de lions, calqués sur deux exemplaires rapportés d’Égypte par lord Prudoe (aujourd’hui duc de Northumberland), nous conduit vers l’enceinte extérieure d’un temple, — des murailles décorées de bas-reliefs creux et de colonnes. Quel est ce temple ? Hâtons-nous de dire qu’il ne se rapporte à aucun monument particulier découvert sur la terre d’Égypte ; c’est pourtant une représentation exacte, les savans le reconnaissent, du style qui florissait à l’époque des Ptolémées. Voulant surtout parler aux sens et donner une figure à l’histoire, les professeurs du Crystal Palace auraient manqué leur but, s’ils s’étaient contentés de reproduire les fragmens isolés et mutilés qu’on trouve dans les musées d’art. Il leur fallait donner une âme et un corps au symbolisme égyptien, relever les ruines, choisir et grouper dans un espace beaucoup trop limité les traits qui pouvaient le mieux transmettre à l’esprit du spectateur l’idée d’une civilisation si éloignée de la nôtre. Les murailles se montrent couvertes de figures bizarres et coloriées, le principal sujet de la scène étant un roi qui. fait des offrandes et qui reçoit les présens des dieux. Les chapiteaux des colonnes sont formés de feuilles de palmier et de lotus ; d’autres encore montrent le papyrus à ses divers états de développement, depuis le bouton jusqu’à la fleur épanouie. Sur la frise qui surmonte

  1. Ce travail a été singulièrement facilité par des découvertes récentes. On connaît aujourd’hui non-seulement les outils dont se servaient les artistes égyptiens, mais encore les procédés de dessin qu’ils appliquaient à la sculpture. On a retrouvé dans des cryptes tumulaires bâties durant toute la vie d’un roi et laissées inachevées par sa mort des chambres où les murs creusés dans le roc avaient été préparées pour recevoir les peintures et les sculptures.