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Pskov, à se maintenir indépendante des Tartares, des Lithuaniens et des Moscovites. Son archevêque relevait bien de celui de Moscou, mais l’église de Novogorod avait tenté à plusieurs reprises de s’affranchir de cette dépendance en acceptant l’union avec l’église romaine. L’on trouve à ce sujet de curieux détails dans un ouvrage récemment publié à Vienne par le savant M. Miklosich et M. Müller[1]. En 1470, la ville de Novogorod ayant, suivant l’usage, élu son archevêque, une ambassade se rendit à Moscou pour obtenir sa confirmation et assister à son sacre. Ivan III, dans l’audience qu’il donna aux ambassadeurs, déclara qu’il était très satisfait de leur république, et il ajouta qu’il la considérait comme son héritage. Ces paroles excitèrent la plus grande agitation à Novogorod, où il s’était formé depuis quelque temps un parti qui se proposait de rechercher la protection du roi de Pologne pour ne pas tomber sous la domination moscovite. On fit sonner la cloche des comices, et le peuple se rassembla. Les chefs de l’agitation était un moine nommé Pimine et une femme, Marfa, veuve du dernier posadnik de la république. L’assemblée décida qu’il fallait demander la protection du roi de Pologne. Des ambassadeurs furent envoyés à Casimir, qui accepta la proposition. Les impôts furent levés en son nom, et la Pologne régna ainsi à Novogorod en 1471. Malheureusement le royaume polonais était alors en guerre avec la Hongrie, et ne put donner aucun secours à la république lorsqu’elle fut attaquée par Ivan III. L’issue de la guerre ne fut pas favorable aux Novogorodiens. Toutefois, grâce à la médiation du clergé, le tsar accepta la soumission à de la ville, confirma ses libertés, lui imposa un tribut et s’en alla, mais pour revenir bientôt. En effet, Novogorod, en 1477, avait de nouveau manifesté quelques velléités d’indépendance et de recours à la protection de la Pologne ; Ivan III y envoya un de ses boyards qui, en annonçant les prétentions de son maître, excita l’indignation du peuple et fut mis à mort. L’année suivante, 1478, Ivan III entra dans la ville avec une armée, y établit un régime de terreur, supprima l’ancienne organisation républicaine, et fit enlever la cloche de la liberté, qui fut envoyée à Moscou. En 1481, il fit transporter dans ses états huit mille Novogorodiens, qu’il remplaça par des Moscovites. Ce fut la première conquête importante de la Moscovie sur la Ruthénie, et là fut donné l’un des premiers exemples de la transportation en masse des habitans à l’effet de moscoviser un pays conquis. Dès lors, l’asservissement de Novogorod fut définitif. Pour arriver à l’abaissement où elle est tombée aujourd’hui, il ne restait plus

  1. Acta Patriarchatus Constantinopolitani MCCCXV — MCCCCII, e codicibus manuscriptis Bibliothecœ Palatinœ Vindobonensis, 1860-1861.