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s’était rendu à Moscou. Après l’office divin, célébré dans l’église de Notre-Dame, au Kremlin, un diacre lut publiquement l’acte du huitième concile ; mais le tsar Basile s’opposa, séance tenante, à ce qu’il fût accepté, et il contraignit Isidore à comparaître devant un conseil de boyards et d’évêques que le souverain présida lui-même. Le métropolitain de Kiev fut condamné et enfermé dans un couvent d’où il réussit à s’échapper. Le héros religieux de la Ruthénie fut envoyé bientôt comme légat du pape à Constantinople, qui était déjà assiégée par les Turcs. Le jour où les infidèles donnèrent l’assaut à la capitale de l’empire grec, Isidore dirigea la défense militaire à la porte de Saint-Démétrius. Il fut fait prisonnier, vendu comme esclave, et eut une seconde fois le bonheur de s’échapper dans la confusion qui suivit le sac de la place. Cependant, par suite de l’adoption de l’union dans la plus grande partie de la Ruthénie, l’église moscovite fut définitivement séparée de celle de Kiev en 1448. À partir de cette époque, la Ruthénie polonaise et lithuanienne entra de plus en plus en communion religieuse et intellectuelle avec l’Occident catholique. D’un autre côté, la Moscovie resserrait ses liens avec la Grèce, où l’union n’avait pas eu plus de succès ; mais il y avait une telle incompatibilité entre l’esprit de la Ruthénie et celui de la Moscovie, que même les Ruthéniens qui n’adoptèrent pas l’union religieuse avec Rome, et il y en eut beaucoup, restèrent disposés à se fondre politiquement dans l’unité polonaise. C’est ainsi que les Ostrogski, qui n’avaient pas cessé d’être schismatiques, furent les plus ardens promoteurs de l’union de Lublin.

C’est sous l’influence de cette situation religieuse que la Moscovie poursuivit son travail d’agrandissement politique. Ivan III est considéré avec raison comme le véritable fondateur de la grandeur de la Moscovie. Il avait épousé en 1472 Sophie, fille du dernier empereur de Constantinople. Sur ses instances, il refusa en 1480 de payer le tribut aux Tartares, et il eut la gloire d’affranchir la Moscovie de leur domination, affaiblie du reste par les divisions de la horde. Il prit le titre de tsar ou empereur, comme pour succéder à celui de Constantinople ; il adopta l’aigle à deux têtes et se regarda dès lors comme le défenseur de l’église grecque. Cet idéal byzantin ne fut pas sans influence sur les destinées de la Moscovie. « Il en résulta, dit M. V. Porochine, de grands changemens dans l’état politique et social de la Russie. » Mais ce qui nous intéresse le plus ici, c’est l’attitude que prit Ivan III dans ses rapports avec la Ruthénie.

Depuis la tentative inutile faite par André Bogoloubski en 1170 contre Novogorod la Grande après le sac de Kiev, la puissante république avait toujours vu s’accroître sa prospérité ; elle comptait deux cent mille habitans et elle avait réussi, comme la république de