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Slaves qui demeuraient près du Danube, et les expulsèrent. Quelques-uns de ceux-ci s’établirent près de la Vistule et furent appelés Lekhs. Une partie des Lekhs se nommait Polaniens, d’autres Loutitches, d’autres Mazoviens et Poméraniens. C’est d’eux que vinrent aussi les Slaves qui habitent le long du Dnieper. Quelques-uns conservèrent le nom de Polaniens, d’autres prirent celui de Drevliens, parce qu’ils restaient dans les forêts (drevo). Enfin les Slaves qui s’établirent près du lac Ilmen conservèrent leur propre dénomination, et y élevèrent une ville qu’ils appelèrent Novogorod[1]. »

Rien ne permet de conjecturer qu’il y eût vers le VIe siècle de notre ère des différences de race et de langage entre ces Slaves. Tout autorise au contraire à croire que leur unité originelle se maintint jusque vers 862, alors que des Normands, les Varègues-Russes ou Ruthènes[2], commencèrent à s’établir dans la partie orientale de la Slavie, à laquelle ils laissèrent le nom de leur tribu. Nestor, qui écrivait deux siècles et demi après les premières invasions des Normands-Varègues, dit : « On sait que la langue ruthène et la langue slavonne ne sont qu’une même langue, que ce nom de Ruthènes nous a été donné par les Varègues, et qu’auparavant nous n’étions connus que sous le nom de Slaves. Les Polaniens qui se trouvaient parmi les Slaves n’avaient pas non plus d’autre langue. Le nom de Polaniens qu’on leur donnait, venait des champs (pola) qu’ils cultivaient et parce qu’ils habitaient la plaine ; mais ils étaient d’origine slave, et n’avaient pas d’autre langue que le slavon[3]. »

L’invasion des Normands-Varègues changea l’état politique du monde slave. Quelques mots suffiront pour préciser la situation de l’Europe orientale après cette invasion. Vers le Xe siècle de notre ère, les versans septentrionaux des Carpathes et la vallée de la Vistule sont déjà occupés par le royaume de Pologne, sous la dynastie nationale des Piast. La vallée du Dniester en fait partie jusqu’en 981. Si nous tournons les regards vers l’est, nous voyons que, dans la vallée du Dnieper comme sur les bords de la Vistule, habite une population essentiellement slave, celle de la Ruthénie. Cette population s’étend aussi très loin vers le nord, où Novogorod est son siège principal. Des villes riches et commerçantes, Kiev, Tchernigov, Smolensk, Polotsk et surtout Novogorod, y brillent d’un vif éclat ; mais cette partie de la Slavie est depuis un siècle exposée aux invasions successives des Normands-Varègues, venus par la Baltique. Les descendans de Rurik, leur chef, ont fondé une foule de principautés, continuellement partagées entre les enfans de leurs princes,

  1. Tome Ier de la traduction française de Nestor, p. 5.
  2. « Russi, quos alio nomme Northmanos vocamus. » Luitprand, Xe siècle.
  3. Page 34, t. Ier.