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perfection de cet art serait que la musique fût composée par un homme et exécutée par une femme. » Voilà qui n’est pas trop mal pensé pour un savant médecin du XIIe siècle. Ce qui est bien certain, c’est que depuis Averroès on n’a pas vu une seule femme réussir à créer une œuvre musicale de quelque importance.

Le Jardinier et son Seigneur est une petite pièce plus svelte et plus vivante que les Fiancés de Rosa. On connaît le sujet :

Un amateur de jardinage,
Demi-bourgeois, demi-manant,
Possédait en certain village
Un jardin assez propre et le clos attenant.


Partant de là, MM. Michel Carré et Barrière nous racontent l’historiette suivante. Jean Maclou est un jardinier assez original pour se désespérer à cause d’un lièvre qui dévore ses choux et ses carottes. Armé d’un bâton, il passe des journées entières à errer dans les champs et à battre les buissons pour se délivrer de l’ennemi de son bien et de son repos. Sur ces entrefaites, il arrive dans le pays un baron, seigneur du village, suivi de sa meute et des gens de service. Ravi de cette visite inattendue, le jardinier conjure le baron de l’aider à poursuivre ce lièvre fatal qui fait son tourment. Le baron, qui a déjà jeté les yeux sur la femme de Maclou, accède à son désir, décision qui plaît beaucoup à son piqueur Marcasse, qui n’a pu voir non plus Tiennette, la fille du jardinier, sans concevoir des espérances.

Çà, déjeunons, dit-il. Vos poulets sont-ils tendres ?
La fille du logis, qu’on vous voie ! approchez !
Quand la marions-nous ? quand aurons-nous des gendres ?
Cependant on fricasse, on se rue en cuisine.
De quand sont vos jambons ? Ils ont fort bonne mine.
Monsieur, ils sont à vous. — Vraiment, dit le seigneur,
Je les reçois, et de bon cœur.


Après un repas joyeux fait aux dépens du jardinier, après un rendez-vous nocturne donné au baron et à son piqueur par la mère et la fille de Maclou, l’une dans l’intention équivoque de se moquer de Marcasse, et l’autre pour obtenir du baron une place de garde-chasse pour son amant, Petit-Pierre, l’intrigue se dénoue par la mort du lièvre fameux, que le garçon du jardinier, Petit-Pierre, a tué de sa propre main. Il en résulte le mariage de Petit-Pierre avec Tiennette. Quant à la morale, on la connaît :

… Les chiens et les gens
Firent plus de dégât en une heure de temps
Que n’en auraient fait en cent ans
Tous les lièvres de la province.

Il y a de l’esprit et de la gaîté dans cette petite pièce. La scène du double rendez-vous est seulement un peu risquée, car la mère et la fille semblent