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à une matinée musicale où l’on m’avait engagé pour entendre des chants de M. Vaucorbeil interprétés par M. Roger, je dus faire connaître mon avis sur le mérite de ce que je venais d’entendre, et je me rappelle que je dis : « M. Vaucorbeil est un esprit cultivé, un artiste de mérite qui vise à la poésie et qui semble redouter surtout les formes banales ;… mais où est la musique, où sont les idées dans ces espèces de petits drames que M. Roger vient de nous déclamer ? » Ma réflexion fut goûtée, mais elle ne changea rien à la bonne opinion qu’on avait de M. Vaucorbeil. Sa réputation intime et discrète n’a fait que s’accroître depuis par des sonates, par des quatuors et autres compositions de musique de chambre, et, poussé par les clameurs du petit monde qui l’avait adopté, M. Vaucorbeil a pu obtenir la faveur insigne de faire représenter un opéra en trois actes, chose inouïe dans l’histoire des compositeurs dramatiques. Monsigny, Grétry, Nicolo, Boïeldieu, Méhul, Hérold, M. Auber, Halévy, Rossini, Cimarosa, Mozart, Weber, Spontini, Meyerbeer, tous les compositeurs illustres ont commencé plus modestement que l’auteur de Bataille d’amour. C’est que du temps où ces beaux merles chantaient en pleine liberté, il n’y avait pas d’administration chargée de diriger l’esprit humain, pas de censure pour surveiller la fantaisie et l’empêcher de troubler l’ordre.

Il n’y a rien à dire de l’ouverture de Bataille d’amour. C’est un petit morceau de symphonie tout à fait insignifiant. Le trio qu’on chante immédiatement après le lever du rideau, — Je vous implore, — serait assez agréable, si l’auteur ne tourmentait le motif qu’il a choisi par de petites modulations qui ne tiennent pas en place et qui agacent l’oreille sans profit pour reflet général. J’aurai souvent l’occasion de reprocher à M. Vaucorbeil cette manie de moduler comme un pianiste plutôt qu’en compositeur dramatique. Tel est aussi le défaut du quatuor qui vient après et qu’on a qualifié le quatuor des oiseaux. Il n’y a dans ce morceau ni un plan assez clair ni une idée assez saillante pour guider l’oreille à travers les reparties du dialogue. Le musicien croit faire illusion par ces artifices harmoniques qu’il cherche évidemment sur le piano avec une curiosité délicate, et dont il s’abreuve au détriment de l’effet dramatique et de la mélodie vocale. Il est évident, pour moi, que M. Vaucorbeil a composé sa partition au piano, et qu’en préludant sur cet instrument docile et essentiellement harmonique il s’est abusé sur l’effet des combinaisons ingénieuses que ses doigts faisaient jaillir. L’air de basse que chante ensuite le baron est vulgaire, sans gaîté et faiblement accompagné. J’en dirai presque autant du duo pour basse et ténor, qui est baroque, et dans lequel je n’ai saisi qu’une jolie phrase que chante le comte :

O nuit, viens cacher sous tes voiles.


La fin de ce duo redevient commune, et l’acte se termine par un finale sans caractère. Après un intermède symphonique insignifiant, on trouve au second