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de Vizille, dit-il, est pour moi comme une devise de famille que je ne puis trahir. Il me semble que j’entends encore la voix des hommes énergiques que réunissait ici la courageuse hospitalité de mon grand-père… Les droits que l’assemblée de Vizille revendiquait en 1788, et que 1789 allait consacrer, ont été tour à tour perdus et reconquis, reconnus et contestés. Ils sont inscrits au préambule de la constitution de 1852, et si l’application en est demeurée depuis lors restreinte ou suspendue, les promesses solennelles et réitérées de l’empereur semblent présager l’heure prochaine où les actes viendront confirmer le langage. Vous avez applaudi le langage, vous hâterez l’accomplissement des promesses, si, vous servant avec calme, mais avec résolution, des voies légales pour manifester vos vœux, vous vous montrez à la fois impatiens et dignes d’un meilleur avenir. »

Mais les élections les plus importantes seront celles de Paris, et parmi les préliminaires de ces élections, le plus considérable est l’acceptation par M. Thiers de la candidature de la deuxième circonscription.

Il eût semblé au premier abord que le département où il serait le plus facile à l’opposition de combiner ses candidatures et d’organiser ses moyens d’action devait être le département de la Seine. On a vu cependant, par les hésitations et les fausses manœuvres qui se sont produites à propos des candidatures, que les difficultés d’élections ne sont pas moindres ici qu’ailleurs. Ces difficultés proviennent de l’absence des libertés qui sont nécessaires à l’organisation naturelle du suffrage universel. Le droit de réunion, qui, dans une agglomération aussi énorme que celle de la population parisienne, pourrait seul rapprocher les électeurs des candidats, fait défaut. Les comités électoraux, qui seraient une représentation préalable et approximative des électeurs pour la discussion et le choix des candidatures, ces comités, avec leur hiérarchie de sous-comités et de comités centraux, ne peuvent point se former naturellement en présence de l’interprétation que l’on donne à la loi sur les associations. Il ne reste qu’un seul moyen de rapprochement et de publicité, les journaux. Encore ce moyen est-il vicié par la constitution légale actuelle de la presse : le gouvernement s’étant réservé la faculté de donner ou de refuser l’autorisation de créer des journaux, les journaux existans possèdent des monopoles véritables ; cette prépondérance excessive qu’ils tiennent de ces monopoles vient s’ajouter au privilège qu’ils doivent à l’absence des autres libertés organiques du système électif, et qui met dans ces libertés l’unique moyen qui nous reste de puissance et d’action électorale. De là la tendance inévitable chez les propriétaires ou directeurs des journaux à vouloir exercer dans les élections non pas seulement l’influence à laquelle ils auraient toujours droit dans une situation naturelle, mais l’influence exagérée que leur livre la situation exceptionnelle où ils se trouvent. Dans de telles conditions, les fautes dont nous venons d’être témoins naissant de la nature des choses, nous ne sommes pas disposés à les reprocher trop sévèrement à ceux qui les ont commises à