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presse : de toutes parts on demande que le gouvernement renonce au droit d’avertissement et de suppression qui met les journaux à sa discrétion. C’est aussi la liberté individuelle : les députés auxquels l’administration a retiré son patronage, comme MM. de Flavigny, de Pierre et d’autres, n’ont pas de meilleur titre à invoquer que d’avoir voté contre la loi de sûreté générale. C’est encore la liberté municipale : on s’étonne que les premiers magistrats des communes ne soient pas élus par leurs concitoyens avant d’être investis de leurs fonctions. La situation financière préoccupe tout le monde : on dénonce avec vigueur l’accroissement de la dette publique, grossie en dix ans de 2 milliards 1/2 en capital, de 97 millions en rentes inscrites, sans parler de la dette flottante, et l’accroissement des dépenses publiques, portées dans la même période de 1,500 millions à 2 milliards 200 millions. On se plaint de la lourdeur des impôts. M. de Persigny parle avec raison dans son manifeste de la progression des revenus publics, qui a été de 300 millions en dix années ; cette progression, quelque satisfaisante qu’elle soit, n’a rien d’extraordinaire : il résulte de tableaux tracés récemment avec beaucoup d’exactitude par un membre de l’ancien corps législatif, M. d’Andelarre ; qu’en moyenne la progression du revenu était annuellement de 20 millions sous le gouvernement de juillet et qu’elle est aujourd’hui de 31 millions ; la différence n’est pas énorme, si l’on songe au progrès de la population et à la multiplication des voies de communication dont l’achèvement a si prodigieusement favorisé la seconde période. En tout cas, l’augmentation de 300 millions signalée par M. de Persigny n’a point profité au contribuable, puisqu’au lieu de le dégrever on a été obligé, il y a un an, d’établir 74 millions d’impôts nouveaux. La situation financière, vivement accusée dans toutes les circulaires, notamment dans celles de MM. Casimir Perier, de Chambrun, Lefèvre-Pontalis, etc., est surtout très bien exposée dans la circulaire de M. Victor Bonnet. L’examen de nos finances conduit tous les candidats que le Moniteur ne nous permet plus d’appeler par préférence indépendans aux mêmes conclusions relativement à la politique générale. Ils s’élèvent tous contre l’exagération des dépenses militaires ; ils condamnent tous le ruineux excès des expéditions lointaines ; au nom du peuple, au nom de l’agriculture et du travail, au nom surtout de cette portion de la nation dont M. de Persigny invoque le concours et qu’il appelle les masses, ils réclament une politique pacifique, et démontrent combien le maintien de la paix importe au développement de nos libertés intérieures et à l’éducation politique du pays. Tels sont en résumé les articles uniformes de ce qu’on pourrait appeler les cahiers de l’opposition actuelle. On y peut voir l’ensemble de ce qui manque à notre pays depuis dix ans : une politique intérieure émanant directement du pays, inspirée par l’intérêt vigilant qu’il doit prendre à ses propres affaires, politique d’ordre, de progrès, de liberté soutenue Avec indépendance et fermeté par l’initiative spontanée des citoyens éclairés et dévoués. Il y a là