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l’on vit, pendant ses délibérations, le peuple s’agenouiller et prier naïvement dans l’église contiguë, afin que le ciel dictât aux pères, en les inspirant, un arrêt favorable. Leur décision vint autoriser à nouveau la dévotion, devenue publique, à Savonarole. Peu de temps après cependant, les Médicis ayant repris le pouvoir, on trouve deux lettres d’un archevêque de Florence, en date de 1583, qui poursuit au nom de ses maîtres ce culte redevenu factieux. M. le comte Charles Capponi a publié récemment, disions-nous, l’office latin de Savonarole, à l’instar des offices des saints, qu’on a récité dans certaines églises de Toscane jusqu’à la fin du XVIe siècle au moins. Il est curieux d’y lire, mêlés aux psaumes et aux formules accoutumées des prières, des récits épisodiques formant par leur contexte toute une biographie légendaire du célèbre dominicain. Rien de plus italien à coup sûr, mais aussi rien de plus propre à faire mesurer la trace lumineuse que Savonarole avait laissée derrière lui :


« Lectio VIe. — Quand l’œuvre de la prédication lui fut confiée, instruit par des révélations divines, il annonça les calamités qui menaçaient l’Italie et la future rénovation de l’église. Au moment où le roi de France menaçait les Florentins, l’homme de Dieu fut envoyé vers lui pour l’apaiser par sa prudence et sa sainteté. Il se rendit à Pise et persuada Charles VIII. De retour à Florence, il commença de publier les volontés divines avec une telle éloquence (avantage dont il était dépourvu auparavant) et au milieu d’un tel concours, que cela parut l’effet d’un miracle…

« Deo grattas.

« Jérôme s’est levé comme la flamme ; il n’a pas, dans ses jours, tremblé devant le roi. Et la parole divine a flamboyé sur ses lèvres comme une torche ardente.

« Sa parole était vivante et elle était efficace.

« Gloria Patri, etc.

« Lectio VIIe.. — Son âme était souvent ravie, et s’unissait de telle sortes à la divine lumière, que son corps, devenu étranger aux sensations de la matière, était comme mort, et qu’il en était arrivé, pendant les dix dernières années de sa vie, à ne rien préparer de ses sermons avant que les oracles divins ne l’eussent instruit de ce dont il devait parler. Qui dira la rapidité de sa parole, la sublimité de son éloquence, la majesté de son expression ? Sa voix était claire, son geste animé, son visage non pas ardent, mais en réalité plein de flamme. Par son œuvre, la paix fut faite entre les citoyens ; les mœurs de chacun d’eux se transformèrent de telle sorte qu’on eût dit d’autres hommes. Les enfans, instruits à la simplicité chrétienne, s’abstinrent des choses déshonnêtes ; ils allèrent, dans leur pieuse ardeur, éveiller les indolens, pénétrer dans leurs maisons, enlever leurs instrumens de vices, et les brûler en présence de la multitude.

« Deo gratias.

« Divinum auxilium maneat semper nobiscum. — Amen.

« Lectio VIIIe. — A mesure que grandissait sa gloire s’accroissaient aussi