Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/465

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conservé aujourd’hui au palais Corsini de Florence a retracé son supplice ; Sandro Botticelli, qui a illustré par le burin quelques-unes de ses publications ; delle Carniole, qui nous a laissé de lui un portrait célèbre sur une de ses belles pierres gravées conservées aux Uffizi. — Raphaël enfin, qui avait quinze ans lors de la mort de Savonarole, voulut, lui aussi, rendre hommage à son souvenir, et il plaça dans sa Dispute du Saint-Sacrement, au Vatican, le portrait de cet adversaire d’Alexandre VI ; mais le plus grand hommage peut-être que nous puissions citer à la gloire de Savonarole, et en même temps la plus complète réfutation du jugement erroné que nous avons cité tout à l’heure, n’est-ce pas l’amitié, — c’est peu dire, — la vénération que professa envers lui Michel-Ange ? Michel-Ange avait été introduit tout jeune encore par Francesco Granacci, son ami, dans ce fameux jardin des Médicis où Laurent le Magnifique avait groupé d’admirables objets d’art, et où il réunissait les hommes de lettres et les artistes. L’éloquence de Savonarole, qui prêchait dans l’église d’un couvent tout voisin, ne tarda pas à l’attirer et à s’emparer de lui. Vasari et Condivi rapportent que l’impression qu’il en avait reçue ne s’effaça jamais : devenu vieux, disent-ils, il relisait avec ardeur ces prediche dont il avait été jadis l’auditeur ému ; il croyait entendre encore l’accent de cette chaleureuse éloquence, et il croyait revoir le geste même qui la commentait.

Il est certain que ces deux âmes austères, Michel-Ange et Savonarole, eurent en commun plus d’une noble passion ; tous deux ressentirent un même amour de la liberté et une même douleur des plaies de l’Italie. Michel-Ange se rangea de bonne heure parmi les partisans politiques du frère ; il fut au nombre des artistes, tous dévoués à Savonarole, qui travaillèrent à la construction et à l’achèvement de la fameuse salle du grand conseil, et on le vit enfin, sur les hauteurs de San-Miniato, devenu ingénieur et tacticien, soutenir au péril de sa vie contre les Médicis, qui voulaient rentrer dans Florence, la cause politique à laquelle Savonarole s’était voué. L’auteur allemand d’une nouvelle biographie de Michel-Ange, M. Hermann Grimm, remarque que le grand artiste travaillait à Rome à sa célèbre Pietà dans l’année même où eut lieu le supplice de Savonarole, et il croit retrouver dans l’expression profonde de cet ouvrage l’abîme de douleur où il pense que ces sinistres événemens plongèrent l’âme de l’artiste. Ce qui paraît plus authentique, c’est, dans le Jugement dernier de la chapelle Sixtine, le reflet brûlant de l’imagination biblique et dantesque où l’éloquent dominicain puisait le redoutable enthousiasme de ses anathèmes, et dont, pendant les années de sa jeunesse, Michel-Ange s’était inspiré : « Les fossoyeurs