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d’abord obscurci la question, elle éloigne de la vérité quelques esprits timorés. Les essais furent faits par M. Hirn, ingénieur civil à Golmar, à l’occasion d’un prix proposé par la Société de physique de Berlin sur la question de l’équivalence de la chaleur et du travail mécanique. M. Hirn avait opéré sur de puissantes machines ; il s’était servi des moteurs d’une grande usine pendant leur marche industrielle ; il avait répété et poursuivi ses études pendant plusieurs années. Ses résultats semblaient donc à l’abri des diverses causes d’erreur qui entachent souvent les travaux de laboratoire exécutés sur une échelle trop restreinte. Ses conclusions n’en étaient donc que plus désastreuses quand il prétendait retrouver dans le condenseur toute la chaleur que la vapeur avait enlevée à la chaudière. Le président de la Société de physique de Berlin écrivait à M. Hirn en 1857 : « Vous avez fait, monsieur, vis-à-vis de notre programme, à peu près ce que Jean-Jacques fit vis-à-vis de celui de l’académie de Dijon. La société demande la détermination exacte de l’équivalent mécanique de la chaleur : vous vous êtes efforcé de prouver qu’un tel équivalent n’existe pas. Cependant un examen approfondi de vos expériences a amené la commission à penser que, loin de démontrer ce nouveau principe, ces expériences, si l’on en discute les résultats d’une certaine manière, tendraient bien plutôt à prouver l’existence de l’équivalent en question et même fourniraient des chiffres assez concordans avec ceux qu’ont déduits d’autres expérimentateurs. » Une longue controverse s’engagea alors entre M. Clausius, qui examinait les mémoires présentés à la Société, et M. Hirn, qui soutenait ses premières affirmations par de nouveaux travaux. La vérité se dégageait d’autant plus difficilement à travers cette discussion qu’il n’était pas toujours facile d’analyser les expériences de M. Hirn, développées avec une abondance un peu germanique dans d’assez volumineux mémoires. La lumière a pourtant fini par se faire ; l’inexactitude des raisonnemens que M. Hirn appliquait à ses données expérimentales a été mise en évidence, et ses chiffres mêmes, sainement interprétés par M. Clausius, ont donné le résultat que nous avons annoncé. La dernière et la plus utile des consécrations n’a point même manqué à cette conclusion définitive. Au mois de juillet 1862, M. Hirn a publié un nouveau mémoire où il rectifie ses premières assertions, adorant ce qu’il avait brûlé et brûlant ce qu’il avait adoré.

Cette transformation de la chaleur en travail, que nous avons essayé de faire entrevoir dans un cas déterminé, dans le jeu d’une machine à vapeur, nous allons tout à l’heure la retrouver dans l’examen des faits les plus divers. Nous trouverons également la transformation inverse, et nous verrons à chaque instant le travail