Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce mouvement de centralisation administrative qui s’opéra dans tous les états de l’Europe occidentale au double profit des communes et de la royauté unies contre la noblesse, le XVe siècle fut assurément inspiré de l’esprit moderne, et Savonarole se trouva le véritable fils de ce siècle lorsque, entraîné par son ardeur et sa charité même à prendre en main la conduite des affaires après l’expulsion des Médicis, il déploya un génie d’organisation politique entièrement dégagé de la tradition féodale.

On conçoit que, pour qui veut démêler un caractère si complexe, mais si entièrement d’accord avec son époque, la connaissance profonde de cette époque même soit absolument nécessaire. M. Perrens a donné de la vie de Savonarole un récit déjà fort complet, et dont les Italiens, jusque dans leurs derniers travaux, reconnaissent l’autorité ; mais, depuis qu’il a paru, de nouveaux documens ont vu le jour ; l’intéressante publication de trois volumes inédits de Guichardin, faite à Florence il y a peu d’années, et dont on attend avec impatience la suite, a donné un signal. En France même, les études sur la renaissance se sont multipliées, et, pour l’histoire de Savonarole en particulier, l’Italie a dans ces derniers temps produit plusieurs curieux volumes. M. le comte Charles Capponi, descendant d’une famille qui a été fort mêlée à cette histoire, et dans laquelle la vénération, j’allais dire le culte, du grand dominicain est héréditaire, a livré à l’impression, avec un soin parfait, plusieurs des ouvrages inédits dont les manuscrits étaient en sa possession[1]. M. Villari enfin vient de se recommander au public savant par une nouvelle biographie de Savonarole, en deux volumes, qui épuise le sujet. M. Villari a le grand mérite de replacer mieux qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour le réformateur italien de la renaissance au milieu de son temps, et, malgré quelque partialité pour son héros, il

  1. Del dispregio del mondo, ouvrage latin de la jeunesse de Savonarole. — Il Savonarola e i Lucchesi, documens nouveaux avec une lettre inédite de Savonarole. — Sermon inédit de Savonarole. — Poésies de Savonarole. — Toutes ces publications sont datées de Florence, 1862. Il faut y ajouter un curieux Officio proprio, dont nous aurons occasion de reparler. — Quant aux publications françaises sur la renaissance, sur l’organisation fort curieuse et souvent difficile à bien comprendre de l’état florentin, ainsi que sur les projets de réforme dont elle fut l’objet jusqu’au temps de Guichardin, il faut consulter d’abord un volume de M. Eugène Benoist : Guichardin historien et homme d’état. C’est une fort sérieuse étude sur le temps qui suivit la tentative de Savonarole, dont toutefois l’auteur ne nous semble pas avoir suffisamment tenu compte. Il en resta quelque chose. On n’a qu’à voir la place que tient le souvenir de ce réformateur, même au point de vue politique exclusivement, dans le souvenir de Guichardin. M. Lannau-Rolland vient aussi de donner une première traduction complète des poésies de Michel-Ange avec un tableau intéressant des rapports du grand artiste avec Vittoria Colonna. Nous avons nous-même fait connaître ici les trois volumes inédits de Guichardin : voyez un Politique italien de la renaissance, — Guichardin et ses œuvres inédites, — dans la Revue du 15 août 1861.