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le soustraire à la douleur d’une capitulation déshonorante ? Mais pour cela était-il nécessaire d’accuser des sentimens presque hostiles au Piémont, et de laisser s’établir, s’envenimer un différend qui pouvait avoir des résultats si graves ? Ne suffisait-il pas, les circonstances étant données, d’un appel aux sentimens chevaleresques du roi galant-homme ? Et croit-on par hasard que ce prince fût très désireux d’avoir entre les mains un captif aussi embarrassant que l’eût été le roi de Naples ? Croit-on que le blocus de Gaëte (en admettant même qu’on l’eût établi pour empêcher le ravitaillement de la place) n’aurait pas toujours laissé ouverte une issue pour le départ du royal assiégé sur les deux petits bâtimens que l’Espagne avait envoyés à sa disposition ?

M. Arrivabene, — il faut maintenant revenir à lui, — fut un des prisonniers assez nombreux que firent les Napolitains lors de leur mouvement en avant, au début de cette bataille du Volturne qui faillit être le premier échec de l’armée commandée par Garibaldi. Le correspondant italien des Daily News a raconté cet incident tout personnel avec des détails qui en font un tableau de mœurs curieux à esquisser d’après lui.

L’action était engagée sur toute la ligne au moment où, parti de Caserte avec Garibaldi et son état-major, M. Arrivabene atteignait le bourg de Santa-Maria, que les Napolitains attaquaient de deux côtés à la fois. Après y avoir donné ses ordres, le général prit en voiture le chemin de Sant’Angelo, ne se doutant guère à cette heure que les avant-postes de Medici étaient refoulés, et que par conséquent, les Napolitains étaient déjà installés sur la route même où s’engageaient les équipages fort divers de l’état-major garibaldien. On s’en aperçut un peu tard, alors que derrière un pli de terrain apparut tout à coup un bataillon des troupes royales, qui salua d’une décharge générale, à 50 mètres, le cortège subitement arrêté. Un des chevaux qui traînaient Garibaldi tomba sous cette pluie de balles, et le cocher de la carrozzella où M. Arrivabene se trouvait avec Missori fut tué sur son siège, à côté d’eux. Cette rencontre fut d’ailleurs providentielle. Un peu plus loin, au pied des hauteurs de Sant’Angelo, les Napolitains, qui venaient d’enlever une batterie placée en avant de ce village, étaient complètement maîtres de la route ; ils eussent inévitablement capturé, d’un seul coup de filet, le général et sa suite. Ceux-ci tout au contraire sortirent sains et saufs de cette pluie de balles qui était venue les assaillir si soudainement, et, sautant à terre, purent prendre à travers champs la direction du village où Medici maintenait une résistance énergique. L’un d’eux cependant, le capitaine Piverani, s’était foulé le pied en descendant de voiture, et M. Arrivabene, qui voulut lui