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ses articles sur l’ancien théâtre français dans le Journal des Savans de 1846 et de 1858, les analyses détaillées et spirituelles qu’il donne des anciens jeux, des anciennes farces, sa discussion raffinée sur la principale et la reine de toutes, la farce de Patelin (1855-1856). Tout cela, à quelques liaisons près, forme un ensemble depuis le haut moyen âge jusqu’aux abords du XVIe siècle. Le premier il a introduit dans ces matières d’apparence ingrate le sentiment du goût et une critique déliée, avisée, exacte et légère. On n’a qu’à le suivre et à se laisser guider ; on se donne aisément ensuite les airs de s’y connaître en l’arrêtant sur quelque point de détail où il se montre un peu vétilleux.

M. Magnin est destiné à être beaucoup consulté, beaucoup mis à contribution et peut-être pillé. Puissent tous ceux qui lui emprunteront lui rendre la justice qui lui est due ! Un ami de l’ancien Balzac, le prieur Ogier, justifiant un jour son ami du reproche de plagiat qu’on lui faisait, citait l’exemple des prédicateurs, lesquels, disait-il, prennent partout chez les pères sans qu’on leur reproche de piller, et il ajoutait agréablement : « Nous autres, prédicateurs, qui volons comme sur les grands chemins… » On pourrait dire la même chose des professeurs, lesquels, n’ayant en vue que l’utilité des écoutans, prennent partout sans scrupule tout ce qui est bon à dire, et ils font bien.

Moi-même j’en ai largement usé en mon temps ; je ne me suis fait faute de marcher avec le secours et l’appui des autres. Par nature et par goût, je n’aurais jamais été de ceux qui ont défriché le moyen âge ; je n’aurais pas eu ce courage, je l’avoue : eux, ils l’ont eu, ils l’ont défriché patiemment. Venu tard dans cette étude et à leur suite, je recueillais les fruits de leur labeur, et je leur en étais reconnaissant. Cela ne m’empêchait pourtant pas, tout en rendant justice à ces excellens travailleurs, de noter quelques-uns de leurs défauts, l’engouement, l’enthousiasme excessif des uns, la complaisance un peu minutieuse des autres ; et en parlant de la sorte, c’était à M. Magnin en particulier que je pensais.

Mais pour un léger défaut, qui peut-être même était nécessaire, que de grâce, que d’agrément de détail, quel discernement utile ! M. Magnin nous fait observer, comme à la loupe, l’origine des genres. À défaut du grand et du beau, on assiste par lui à la naissance, au progrès lent, à la formation successive d’une branche des plus remarquables de la production et de l’imagination humaine. C’est comme si l’on observait d’abord à l’état d’humbles herbes et de fougères ce qui sera plus tard de grands arbres et l’honneur de nos parcs et de nos forêts. Dans le jeu de Robin et Marion, on a déjà l’opéra-comique presque tout formé. Quand il en vient aux farces,