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De doctes antiquaires avant lui avaient déjà donné la clé et tracé les divisions : Auguste Le Prévost les avait indiquées, timidement, il est vrai, et en homme de détail ; mais M. Vitet notamment, M. Ramée, jeune statuaire, plein de chaleur et d’enthousiasme, touchés l’un et l’autre du feu sacré, s’étaient mis en campagne ; ils avaient visité en pèlerins fervens et infatigables les monumens, les églises, les restes d’abbayes, et la théorie fondée sur l’observation était née : elle avait apparu, un matin, lumineuse et manifeste. M. Ramée, celui même qui venait de faire mouler cette statue de la reine Nantechild, avait distillé à M. Magnin, dans une suite d’entretiens et d’explications, les idées, les vérités nouvelles, et l’habile écrivain, l’écouteur avisé, les avait conçues, absorbées aussitôt, puis retournées et exposées à son compte avec une lucidité attrayante. Des parties d’érudition fine, tirées des livres dont M. Magnin savait si bien l’usage, comblaient les interstices, et sur l’ensemble du travail brillait un vernis de netteté et comme un enduit solide et consistant. Le morceau était excellent de tout point. M. Vitet toutefois, en félicitant l’auteur de l’article, put lui écrire avec une pointe légère d’ironie : « On voit que l’ami Ramée vous a exprimé la grappe jusqu’à la dernière goutte. »

Est-ce à dire que M. Magnin fût pour cela un antiquaire, un connaisseur direct en fait de monumens, de statues, de morceaux de sculpture et d’architecture antiques ou modernes ? Pas le moins du monde. Il n’était guère sorti de son cabinet, il n’avait pas voyagé, il n’avait pas même visité ce qui était à sa portée, il avait peu vu de ses yeux : sa myopie était extrême ; mais il avait lu, Il avait écouté de sa fine oreille, il avait compris, il savait rendre ; il y a de ces tours d’adresse de l’écrivain et du lettré habile. Aussi les amateurs ardens, les dévots au moyen âge comme il y en avait beaucoup alors, qui, sur la foi du magnifique programme et de l’article révélateur, allaient droit à lui comme à quelqu’un qui savait d’original les choses et qui était un maître à consulter, pouvaient être surpris et quelque peu déçus de le trouver à court et si discret ; il en savait là-dessus juste autant qu’il en avait dit, pas un iota de plus.

La direction propre de M. Magnin et son filon d’originalité ne doivent pas se chercher dans cette voie ; je ne lui trouve de vocation un peu déterminée que dans son goût pour le théâtre, pour les origines et les applications scéniques sous toutes les formes : ici il est dans son élément, dans un genre qu’il a une fois effleuré comme auteur, qu’il a de tout temps cultivé et suivi comme amateur et critique, où tout l’attire et l’amuse ; son dilettantisme commence.

S’il n’avait pas eu ce goût d’instinct pour le théâtre et ses jeux