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quelque bien, des vignes dont le vin lui plaisait et qu’il aimait à faire goûter à ses amis ; il y retournait chaque année passer une partie des vacances ; il accueillait à Paris tous les jeunes Salinois sur le pied de compatriotes, et il a testé finalement en faveur de la ville de Salins, où il a voulu que ses restes fussent transportés pour y reposer dans le terroir paternel. Cette fidélité au pays, à la souche originelle, était un des traits de sa nature.

Il fit de très bonnes études sous l’empire, études toutes littéraires telles qu’on les faisait alors, sans aucune notion et teinture des sciences mathématiques, physiques et naturelles. Élève de la Sainte-Barbe-Delanneau, il suivit les classes du lycée Napoléon, et obtint en rhétorique, au concours général de 1812, le premier prix de discours français des nouveaux et un accessit en version grecque. La composition qui lui avait valu la couronne était un discours de Zénobie à Aurélien pour le toucher. Le savant voyageur Lechevalier, celui de la Troade, qui portait intérêt au brillant élève, ne l’appelait plus depuis ce jour que « le chancelier de Zénobie. » Cependant il n’y avait que le prix d’honneur, c’est-à-dire le premier prix de discours latin, qui exemptât de la conscription : on fit valoir, à l’appui du discours français du jeune lauréat, sa santé délicate, sa taille frêle, sa poitrine un peu rentrée, et il ne partit pas. C’était alors le grand point pour quiconque n’était pas entêté de l’odeur de la poudre et dévoré du démon des combats.

Charles Magnin était de ceux qui allaient appartenir à la génération pacifique ou différemment belliqueuse de la restauration, et dont l’ambition serait de tenir pour toute épée une bonne plume. Il s’essaya d’abord, non sans succès, dans les concours académiques : il eut un accessit à l’Académie française en 1815 pour une pièce de vers sur les Derniers momens de Bayard, une mention en 1820 pour un Entretien sur l’Éloquence.

Charles Magnin approchait de trente ans ; placé dès 1813 à la Bibliothèque impériale, il se trouvait, par cet emploi modeste et pour lors assez peu assujettissant, à la source des études et des lectures. Il en profitait en esprit curieux et soigneux d’acquérir. De 1820 à 1824, il se mit, avec l’aide d’un ami alors bien jeune, mais doué d’un sens philologique remarquable, M. Dubeux, a apprendre le portugais et ensuite le castillan. Il apprit aussi de l’anglais, il lisait de l’italien ; mais ici je tiens à être vrai et à bien marquer chez M. Magnin le degré d’aptitude et de disposition pour les langues étrangères, le point d’avancement qu’il atteignit et qu’il ne dépassa jamais.

Lui, il n’avait pas en propre, comme M. Dubeux, son ami et son maître en ce genre, la faculté philologique saillante. La facilité qui