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France, l’Angleterre et l’Autriche, commence à s’exercer avec les lenteurs diplomatiques ordinaires, mais enfin elle s’exerce. Peut-être les puissances d’une moindre importance devront-elles s’apprêter à participer à cette grande transaction, si, comme nous le souhaitons et comme tout le fait espérer, elle garde jusqu’au bout le caractère européen. Parmi les états de second, ordre auxquels l’opinion publique assigne un rôle possible dans les affaires de Pologne, la Suède figure en première ligne. Le peuple suédois n’a pas été avare de manifestations envers la Pologne. L’antipathie nationale de la Suède contre la Russie est connue ; c’est un des plus vifs sentimens populaires de la Scandinavie. Les petits enfans y savent tous par cœur la chanson du roi Charles XII, dont chaque strophe amène le refrain ; « Arrière les Moscovites, en avant les enfans bleus ! » Mais quoi qu’on en ait dit, le ministère suédois et son chef, le comte de Manderstrom, ont des habitudes trop circonspectes et trop pacifiques pour monter du premier coup à la même hauteur que le sentiment populaire. Nous ne craignons point cependant que le gouvernement suédois manque au rôle que les événemens pourraient lui offrir. C’est surtout la Prusse dans les circonstances qui se préparent que nous ne voudrions pas voir rester en arrière. Ce serait pour la Prusse un coup de génie que de prendre enfin parti pour l’Europe soutenant une cause libérale et juste. Un député libéral, M. de Roenne, va fournir à la Prusse une occasion de sortir d’une position ambiguë qui compromet ses plus manifestes intérêts. M. de Roenne va mettre la deuxième chambre prussienne en demeure de prononcer que « la convention de cartel conclue avec la Russie en 1857 n’oblige pas l’état. » La motion de M. de Roenne est fondée sur l’article 48 de la constitution, ouvertement violé par le traité de cartel. En se ralliant à cette motion, le parti libéral, qui a la majorité dans la deuxième chambre, dégagera la Prusse d’une solidarité odieuse, et détournera d’elle la menace de périlleuses complications.

E. FORCADE.


LA POÉSIE ET LES POÈTES EN 1863.

Il y a plus de vingt-cinq ans, ici même, un critique déplorait la stérile abondance de la poésie médiocre, ou, si l’on veut, de la petite poésie : la seconde épithète est plus courtoise que la première. Il constatait que le public se contentait dès lors de quatre ou cinq poètes d’élite, écartant le reste avec un impitoyable dédain. Les choses ont peu changé depuis un quart de siècle. Le nombre des poètes acclamés tout d’abord ne s’est guère