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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril 1863.

Les amis de la liberté, telle a été notre opinion dès le début, ne peuvent pas se présenter aux élections avec cette émotion radieuse que donne seule la possession de la liberté elle-même ; ils ne peuvent y apporter cet entrain et cette bonne humeur confiante qu’inspire la lutte à chances égales, le fair trial, comme disent nos voisins : leurs candidats ajouteraient le ridicule de la duperie à l’ennui de la défaite, s’ils allaient proposer spontanément le combat à l’adversaire ; les empressemens, les combinaisons actives, les désirs qui trahissent l’impatience, ne conviennent ni à leur dignité personnelle ni à l’intérêt de leur cause. Une réserve triste et tant soit peu dédaigneuse leur sied mieux. Il ne faut point confondre cette attitude avec le découragement et l’abstention. La constance des opinions et la fermeté des espérances n’ont pas besoin de se manifester par l’inquiétude des actes ; on sert mieux ses idées quelquefois par une patience fière que par des efforts intempestifs. Nous devons voir sans doute avec bonheur les moindres symptômes de réveil politique au sein du peuple électeur : ceux qui sont en position d’appeler sur eux l’attention de leurs concitoyens doivent se tenir à la disposition de tous les libéraux qui réclameront leur candidature comme signe de ralliement ; mais il ne saurait leur convenir, dans les conditions d’organisation du système électoral actuel, de se jeter pour ainsi dire à la tête du pays. C’est au pays lui-même de réagir contre ces conditions quand il les jugera incompatibles avec ses intérêts et avec ses droits.

Certes, dans tous les corps électoraux qui apercevront cette incompatibilité, il faudra seconder avec vigueur l’élan de l’aspiration libérale ; mais à quoi bon se dissimuler l’état réel des choses ? à quoi bon même le masquer à l’opinion par de maladroites manœuvres ? Si à la vérité nous possédons une constitution perfectible et où la liberté pourrait prendre place,