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d’objets en silex. Parmi les ossemens, le savant anatomiste a reconnu ceux de neuf animaux carnivores et de dix herbivores, chiens, hyènes, éléphans, rhinocéros, cheval, cerf, aurochs, etc. On peut croire, avec M. Lartet, que les dix-sept morts avaient été déposés au fond de l’étroite caverne dans la posture d’hommes assis, qu’un repas funéraire avait eu lieu en leur honneur devant la porte, et que plus tard des hyènes étaient venues ronger les restes du repas.

À une époque antérieure à l’ère de l’aurochs, le renne habitait encore nos latitudes ; ses ossemens ont été retrouvés en abondance dans la grotte de Savigné, près Civray (département de la Vienne). Mille bois de cet animal ont été recueillis par le colonel Wood dans une caverne nommée Bosco’s Den (la retraite de Bosco), dans le sud du pays de Galles (Clamorganshire). Près de Torquay, dans le Devonshire, un géologue anglais, le docteur Falconer, a également trouvé le renne dans la célèbre grotte de Brixham, très riche en silex taillés de main d’homme.

Les deux ères de l’aurochs et du renne forment en quelque sorte une transition entre les deux âges de pierre : c’est dans les graviers stratifiés de la vallée de la Somme qu’on a trouvé les restes les plus nombreux de la période de la pierre ébauchée. Cette découverte est due à M. Boucher de Perthes. Dès 1847, dans un ouvrage intitulé Antiquités antédiluviennes, M. de Perthes avait décrit de nombreux silex recueillis aux environs d’Amiens et d’Abbeville, et différant des haches celtiques en ce qu’ils n’ont reçu qu’une taille grossière et ne sont point polis. La découverte de M. Boucher de Perthes fut accueillie au début par l’indifférence ou l’incrédulité. Les silex dégrossis avaient-ils été recueillis en place par M. Boucher de Perthes ? Se trouvaient-ils vraiment mélangés au terrain diluvien proprement dit, au milieu des ossemens d’éléphans et de rhinocéros fossiles ? Le diluvium, sur les points qu’on avait fouillés, n’avait-il pas subi un remaniement par suite de quelques inondations modernes ? Comment n’avait-on trouvé aucun ossement humain parmi tant de débris d’industrie humaine ? Pourquoi les silex taillés se trouvaient-ils accumulés en quelques points seulement ? Toutes ces questions devaient naturellement se poser.

Sir Charles Lyell, toujours en quête de toutes les nouveautés géologiques, se rendit lui-même en Picardie, accompagné d’un autre géologue anglais, M. Prestwich, afin de constater la position précise des pierres taillées. Il fut converti à l’opinion de M. Boucher de Perthes, ainsi que son compagnon de voyage. M. Albert Gaudry, dont la Revue connaît les travaux, fit aussi des fouilles à Saint-Acheul, et détacha lui-même, à une profondeur de 4 mètres environ, plusieurs haches dans le voisinage desquelles il recueillit des dents de cheval et de bœuf. Depuis cette époque, M. Prestwich a cherché à