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en ce qui touche les gouvernemens communaux, dérogerait-il à ces principes ? C’est une question que l’on s’est adressée maintes fois à certaines époques qui remettaient tout en question : la réponse n’a jamais varié.

Il n’y a pas de révolutions, pas de progrès de l’ordre ou de la liberté, qui n’aient laissé les communes depuis quatre-vingts ans dans la dépendance où nous les voyons, et cela toute réflexion faite, soit qu’il s’agît d’organiser ou de réorganiser les communes (ce dont il y a eu quatre occasions depuis 89), soit qu’il s’agît de quelque attribution nouvelle à leur conférer en fait de chemins, d’école, de cadastre, de garde nationale, etc. Aujourd’hui il n’en est plus de même : il n’y a qu’une voix, du moins parmi les voix que j’écoute, pour instituer en France la liberté locale comme garantie ou comme apprentissage de la liberté publique. Cette aspiration est opportune et généreuse ; mais c’est demander aux communes l’enseignement d’une chose dont elles ne savent pas le premier mot, d’une chose qu’elles ne sauraient qu’au prix de la France dispersée et défaite.

Voici en effet le dilemme qu’il ne faut pas perdre de vue.

Ou les communes auront le droit de s’imposer, d’emprunter, de plaider, d’aliéner comme bon leur semble, affranchies de toute dépense obligatoire, maîtresses de leurs travaux, de leur police, de leurs octrois, — auquel cas leur gestion sera, j’en conviens, une image du gouvernement, une dilatation des. esprits et des virilités, — mais avec l’inconvénient de créer en France trente-six-mille petites républiques pétries d’omissions et d’injustices envers les minorités, envers le progrès, envers la raison et la force nationale.

Ou bien les communes auront les droits tempérés dont nous avons esquissé le détail avec un juste ménagement de ces grands intérêts, mais sans exercice des volontés et des discernemens, sans apprentissage et sans fécondité politique.

Il faut opter entre ces deux alternatives. Y a-t-il une troisième combinaison où se rencontre une indépendance des communes capable de les tremper politiquement, sans endommager les grandes fins de toute politique ? Je ne l’aperçois pas, et je demande qu’on me la signale.


IV

En résumé, on accuse la révolution d’avoir dépouillé la société de ses institutions et de ses magistratures, d’avoir concentré tous les droits et tous les pouvoirs entre les mains de l’état, avec cette conclusion implicite que l’ancienne société était sous quelques rapports supérieure à la moderne. Notre réponse, c’est que la révolution a