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pour les recouvrir de terre, il faut moins de force que d’adresse ; à cet égard, qui en doute ? la supériorité des femmes est incontestable. Grâce à ce système, on a créé dans ces forêts, sur une très grande échelle, des plantations qui ont perpétué jusqu’à nos jours les noms de MM. Pannelier et Marsault, qui les ont exécutées. Depuis quelques années, on a préféré se passer d’entrepreneur et mettre ces travaux en régie ; mais jusqu’ici il est douteux que les résultats obtenus soient beaucoup plus favorables.

Les semis coûtent moins cher que les plantations, mais ils sont d’une réussite moins certaine, car les graines sont exposées à être mangées par les oiseaux ou les mulots, ennemis que les entreillagemens les plus serrés ne peuvent éloigner. Les frais de cette opération, qui comprennent la préparation du terrain, le répandage et le prix de la graine, s’élevaient jusque dans ces derniers temps à 300 francs par hectare environ. Une invention récente, celle de la charrue forestière, due à M. Dubois, inspecteur des forêts à Blois, les a réduits de près des deux tiers. L’instrument auquel il a donné ce nom, et qu’il a eu l’idée d’appliquer à la culture des forêts, n’est autre chose que le scarificateur de Roville, légèrement modifié. Il se compose d’un bâti porté sur trois roues, armé de cinq socs à versoir, dont deux sont placés en avant et trois en arrière, et assez solides pour retourner un sol compacte et sillonné de racines. Un levier qu’on fixe au moyen d’une cheville détermine le degré d’entrure de ces socs, et deux mancherons placés à l’arrière servent à guider la charrue et à la soulever quand elle vient à rencontrer des obstacles. Attelée de deux chevaux en arbalète, guidés par un enfant, elle peut passer entre les arbres, et, en évitant les rochers ou les trop grosses racines, retourner le sol d’une forêt pour en préparer l’ensemencement. Elle enterre les feuilles, arrache les herbes et les bruyères, facilite l’action des influences atmosphériques, et réussit souvent à raviver la végétation de peuplemens affectés déjà, faute d’air et d’humidité, d’un dépérissement anticipé. Avec ce. procédé, le labour d’un hectare ne revient qu’à 20 francs, et en évaluant à 5 francs l’hectolitre de glands et à 12 francs l’hectolitre de faînes, le prix d’un semis mélangé de chênes et hêtres ne s’élève pas à plus de 120 francs par hectare. C’est, on le voit, une économie sensible sur le prix précédent. La charrue forestière sera d’un emploi très utile à Fontainebleau, où l’on rencontre de nombreux perchis de chêne pur, de quarante ans et au-dessus, qui commencent à dépérir faute d’une humidité suffisante[1]. Il sera

  1. Des travaux de cette nature opérés récemment dans la forêt de Saint-Germain sur une très grande étendue ont donné d’excellens résultats.