Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il s’agit d’exploitations régulières, il n’y a pas à hésiter. Qu’importe après tout que tel vieux massif disparaisse, si, les coupes se succédant avec ordre, des peuplemens nouveaux prennent la place des anciens, et si, grâce au roulement qui s’établit, la forêt se maintient toujours dans le même état ? Il n’y a dans tout cela aucune espèce de vandalisme, et, tant qu’on reste dans les limites normales de la production annuelle, une forêt ne périclite pas. S’étaient-ils bien rendu compte de ces circonstances ceux qui ont jadis accusé l’administration du roi Louis-Philippe d’avoir pratiqué des coupes abusives $ans les forêts de la liste civile ? Les avaient-ils parcourues pied à pied ? en avaient-ils compté tous les arbres et reconnu l’étendue des repeuplemens artificiels ? C’est douteux, car ils ne se fussent pas faits les organes d’accusations qui ont été reconnues mal fondées[1].

Mais la fixation des coupes annuelles ne suffit pas pour assurer la perpétuation d’une forêt, il faut encore que chaque coupe laisse derrière elle de jeunes peuplemens qui doivent remplacer les massifs disparus. Quand l’ensemencement ne se fait pas naturellement par les graines tombées des arbres, il faut avoir recours à des procédés artificiels, et alors, suivant les circonstances, on se décide soit pour la plantation, soit pour le semis. Dans le premier cas, on emploie de jeunes plants âgés de quatre ou cinq ans, élevés en pépinière, qu’on place dans des trous creusés à un mètre de distance les uns des autres. Cette opération, qui se fait à l’automne ou au printemps, doit être suivie pendant deux années de binages destinés à empêcher les plants d’être étouffés par les herbes ; tout compte fait, elle ne revient à guère moins de 500 ou 700 francs par hectare, ce qui, comme on voit, est assez cher. Autrefois il existait à Compiègne et à Fontainebleau, pour les travaux de cette nature, des entrepreneurs qui les exécutaient à forfait et qui étaient responsables de la réussite. Certains d’avoir dans chaque forêt pour 15 ou 20,000 francs de plantations à faire chaque année, ils s’étaient outillés en conséquence et avaient dressé des ouvriers spéciaux. Ils employaient d’habitude des femmes et des enfans, qui, outre l’économie du salaire, leur offraient l’avantage d’une plus grande dextérité. Pour manier de jeunes plants, pour les placer dans les trous préparés à l’avance, pour étaler convenablement le chevelu des racines,

  1. On se rappelle qu’une commission présidée par M. Troplong a été chargée en 1850 de faire une enquête sur la gestion de ces forêts pendant le dernier règne. Cette commission a constaté non-seulement que la possibilité en matière de coupes n’avait pas été outre-passée, mais que des travaux d’amélioration avaient été terminés pour une somme de 4,150,000 francs. Aussi décida-t-elle à l’unanimité qu’il n’y avait pas lieu de donner suite aux réclamations soulevées contre la gestion de la liste civile.