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de celle-ci toute l’étendue présente une série de bois d’âges uniformément gradués depuis un jusqu’à cent vingt ans. Je n’insisterai pas sur les détails techniques que comporte une opération aussi compliquée, et je me bornerai à faire remarquer qu’un pareil résultat ne peut être obtenu qu’à deux conditions : une réduction dans l’importance des coupes faites précédemment et l’exécution, sur une grande échelle, de travaux de repeuplement. La réduction des coupes est une conséquence nécessaire du changement de régime. Pour passer du taillis à la futaie, c’est-à-dire d’une forêt exploitée normalement à l’âge de vingt-cinq ans à une forêt qui le sera à cent vingt, il est évident que pendant les premières années il faut s’imposer une privation. Plus tard on retrouvera son compte, et au-delà, car lorsque la forêt aura atteint son âge normal, le cent-vingtième portant sur des bois âgés de cent vingt ans représentera un revenu plus considérable que le vingt-cinquième ne portant que sur des bois de vingt-cinq ans ; mais pour le moment il s’agit de reconstituer un capital, ce qui ne peut se faire sans une économie sur le revenu. Il n’est pas douteux qu’une fois en futaie pleine, elle ne puisse produire 100,000 mètres cubes, dont 1/3 au moins sera propre à l’industrie, et qui vaudront 1,500,000 francs et au-delà.

Ce n’est pas une petite question que de déterminer à l’avance dans une forêt l’importance des coupes à faire et les points sur lesquels il faut les asseoir ; mais la difficulté devient bien plus grande encore quand il s’agit de massifs aussi fréquentés que ceux de Compiègne et de Fontainebleau, où les moindres exploitations sautent aux yeux, et prennent presque les proportions d’un événement. Il est singulier de voir avec quelle légèreté les personnes les plus étrangères à la sylviculture s’expriment sur certaines opérations forestières, sans même se donner la peine d’examiner si elles ne sont pas l’application d’un plan général arrêté à l’avance en vue d’un but spécial. Avec une superbe assurance, elles tranchent à première vue et sur un simple coup d’œil des questions que les praticiens les plus habiles ne peuvent décider sans de longues et patientes études, sans une reconnaissance détaillée de tous les massifs, sans un inventaire complet de tous les arbres exploitables. On conçoit que l’abatage d’une vieille futaie, dont les arbres plusieurs fois centenaires ont prêté leur ombrage à de nombreuses générations, cause une certaine peine, et qu’en voyant ces vétérans tomber sous la cognée, le premier mouvement soit de crier au vandalisme. Cependant peut-il en être autrement ? Si ces massifs sont arrivés à maturité, il faut bien les abattre, à moins qu’on ne veuille renoncer à tirer de sa forêt un revenu quelconque. Traitez-la alors comme un parc, bornez-vous à y couper les arbres morts et à les remplacer par d’autres ; mais du moment