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dernier mot, et marqué ainsi le point de départ d’évolutions nouvelles dans le domaine sans limites, de la théologie indépendante. Sa vie fut celle d’un professeur allemand de la vieille roche. Sans aucune ambition politique, ne concevant pas de monde supérieur à celui des universités et des bibliothèques, entièrement dévoué à la science depuis sa première jeunesse, il vécut et mourut dans les sereines régions de l’idée pure. Il n’en sortit du moins de temps à autre que pour rompre, de formidables lances avec ses adversaires théologiques, après quoi il revenait à ses recherches favorites avec un calme vraiment majestueux. Disons pourtant qu’en véritable Gelehrte de son pays, ses habitudes bénédictines ne l’empêchèrent pas d’aimer, d’être aime, de se marier, d’être un excellent mari et un père vénéré. La tombe prématurément fermée de sa digne femme fut l’un des deux liens qui le retinrent toujours dans la petite université du Neckar ; l’autre fut l’association qui s’était peu à peu formée entre son nom, ses idées et le nom de Tubingue. Voilà donc à peu près tout ce que sa biographie nous livre d’intéressant en dehors de ses. travaux théologiques, et cependant bien peu d’existences peuvent être comparées à la sienne pour l’activité.

Fondateur de cette école de Tubingue dont nous désirons retracer les tendances et les vues principales, il eut l’avantage de voir son enseignement adopté, continué, critiqué même par de studieux disciples. On formerait presque une bibliothèque avec ses ouvrages et les leurs, sans compter les livres visiblement écrits sous leur influence et ceux qui furent composés dans une pensée directement hostile à l’école. Vers l’année 1850 et lorsque Baur avait atteint la maturité de l’âge et du talent, nous remarquons autour de lui, en communauté plus ou moins complète de sentimens et d’opinions, des hommes tels que M. Zeller, aujourd’hui professeur fort distingué de philosophie à Marbourg, et qui vient d’être appelé à Iéna en la même qualité ; M. Schwegler, mort depuis quelques années, esprit critique d’une audace et d’une précision étonnantes, qui contribua, je crois, à modifier sur quelques points la pensée du maître lui-même MM. Ritschl et Volkmar, aujourd’hui professeurs, de théologie, le premier, à Bonn, le second à Zurich ; M. Kœstlin (Karl), auteur d’études fort savantes sur la composition des trois premiers évangiles ; M, Hilgenfeld, actuellement professeur à Iéna, et qui paraît devoir succéder au chef de l’école par le nombre et l’importance de ses travaux. J’en passe beaucoup d’autres pour ne citer que les plus connus dans cette savante légion, et l’on peut s’apercevoir, par cette simple énumération, qu’il ne s’agit pas ici d’une de ces agitations éphémères que provoquent parfois les idées excentriques d’un professeur, mais d’un véritable levain qui, malgré les