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joie serait-elle bannie de l’église ? Le moyen âge était moins difficile que nous sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres.

Après un libéra de Jomelli d’un puissant effet, dont les soli ont été bien interprétés par Mmes la baronne F… et Brésil, après un quatuor charmant d’Aiblinger, maître de chapelle du roi de Bavière, qui a été chanté avec une justesse parfaite par MM. Bussine et Hayet, par Mmes Hélène Dubois et Bernard des Portes, la fête s’est terminée avec éclat par un fragment de Judas Machabée, oratorio de Haendel. Ce premier concert de la Société académique de musique sacrée est d’un bon augure pour l’avenir. On a été charmé de ces bonnes voix d’amateurs, pures, saines, franches et bien disciplinées, sous la direction d’un homme de talent, M. Vervoitte, qui, par le choix des morceaux et par la manière dont il en a compris le sens, a fait preuve d’une véritable intelligence du caractère historique de l’art musical. Nous souhaitons que cette société intéressante se consolide et devienne une institution durable.

Tout était fini, le public et les artistes paraissaient assouvis de concerts et de musique de toute sorte, lorsqu’on apprit que M. Thalberg était à Paris. Il fit un signe de la main, et une société d’élite accourut dans les salons de la maison Érard, où M. Thalberg donna trois séances seul, devant Dieu et devant les hommes ! il enchanta son monde en exécutant tour à tour du Beethoven, du Weber, du Mendelssohn, du Chopin et aussi de sa propre musique, qu’on lui pardonne, parce qu’il en relève le mérite par une exécution splendide qui fait un instant illusion. M. Thalberg est un enchanteur, un virtuose incomparable qui a eu bien des imitateurs, mais pas un seul rival dans le genre d’effets dont il est le créateur. On ne peut rien entendre de plus merveilleux que M. Thalberg promenant ses doigts sur un piano d’Érard et se livrant à sa fantaisie, à moins que M. Sivori ne survienne avec son violon enchanté, car alors il n’y a plus qu’un Dieu et que ce petit diable d’homme qui a dérobé à Paganini, son maître, une étincelle de son génie.


P. SCUDO.


Le Discours d’Isocrate sur lui-même, intitulé sur l’Antidosis, traduit en français pour la première fois par Auguste Cartelier, revu et publié avec le texte, une introduction et des notes, par Ernest Havet ; Paris 1862.


Ce titre, qui semble n’annoncer qu’une traduction et des éclaircissemens sur un point particulier d’érudition grecque, est celui d’un beau volume sorti des presses de l’Imprimerie impériale, d’un livre excellent, un des mieux faits et des meilleurs que nous ayons lus depuis longtemps, et qui, on ne peut le soupçonner d’abord, offre même un intérêt touchant. C’est un monument élevé par l’amitié à une chère mémoire. Un ancien élève de l’École normale, qui aurait pu marquer sa place dans la littérature savante, si une chétive santé et de longues souffrances ne l’avaient retenu dans l’obscurité, et s’il n’avait été enlevé à ses études par une mort prématurée,