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écrit une relation intéressante[1], le conduisit à travers une grande partie du Japon. Il constata que le pays était admirablement cultivé, les villes animées et propres, les grandes routes bien entretenues ; partout il lui sembla voir régner l’ordre et l’aisance. Son escorte japonaise suivit sans opposition le chemin qu’il avait tracé, si ce n’est dans deux occasions : on le pria une première fois de faire un détour afin de ne pas traverser Kioto, résidence du mikado, et il céda ; on voulut une seconde fois lui faire quitter sa route pour éviter une autre ville : il résista et força l’escorte à lui obéir. Ces faits sans importance apparente précédèrent immédiatement un événement fort grave, dont on cherche encore en vain l’explication complète.

Le 3 juillet, M. Alcock arriva à Yédo, où il reprit possession de son ancienne résidence, le temple de Todengi. Dans la nuit qui suivit le jour de son arrivée, il fut attaqué dans cette demeure par une vingtaine d’hommes qui tuèrent plusieurs de ses gardes, blessèrent deux Anglais attachés à sa suite, et ne renoncèrent à leur projet de le massacrer lui-même qu’après avoir vaillamment soutenu un combat des plus inégaux contre une troupe nombreuse[2]. Plusieurs des assaillans furent tués ; on trouva sur l’un d’eux un papier portant quatorze signatures, et dans lequel il était dit que quelques bons patriotes japonais avaient résolu de faire le sacrifice de leur vie dans l’intention d’expulser les étrangers, de « rendre le repos à l’empire, à son empereur le mikado, et au lieutenant de celui-ci, le taïkoun. » Il était évident que l’attentat avait été commis par quelques-uns de ces hommes intrépides et redoutés connus sous le nom de lonines ; mais il est probable qu’ils n’avaient été que les instrumens du parti fanatique. MM. Alcock et du Chesne de Bellecourt se livrèrent à de longues et actives recherches pour découvrir à quelles instigations ils avaient obéi : il n’en résulta rien de précis. Quelques personnes accusaient les anciens serviteurs du prince de Mito et de Hori-Oribeno-Kami ; d’autres attribuaient le crime à des émissaires du prince de Kanga ou du prince de Satzouma. Personne n’osa désigner comme complice le gouvernement du taïkoun. Le papier saisi sur l’un des lonines insinuait à la vérité que les coupables comptaient parmi eux des partisans de la cour de Yédo ; mais on attribua cette insinuation aux ennemis de cette cour, qui s’étaient flattés ainsi de la brouiller avec les nations européennes.

L’attaque de la légation anglaise causa de grands embarras aux

  1. Cette relation, intitulée the Capital of the Tycoon, a paru à Londres, cette année même 1803, en 2 vol. gr. in-8o.
  2. Voyez la Revue du 1er décembre 1861.