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manquer de se prononcer de jour en jour davantage. C’est le commencement de quelque chose. Nous avons d’autant plus le droit de tirer un bon augure de ce réveil, que l’administration nous semble faire beau jeu au parti de l’indépendance et de la liberté par le singulier esprit d’exclusion et d’intolérance que révèlent les premiers actes de sa campagne électorale.

On en peut voir un exemple dans ce qui se passe pour M. de Flavigny. L’appui de l’administration, qui avait été acquis au député de Chinon en 1852 et en 1857, lui est aujourd’hui retiré. Les disgrâces des députés qui perdent la protection du pouvoir après en avoir joui avec satisfaction ne sont guère faites pour nous toucher ; elles sont dignes cependant d’une certaine attention, car elles nous ouvrent des jours sur les dispositions dont l’administration est animée. Pour ce qui regarde M. de Flavigny en particulier, il y aurait de l’injustice à oublier qu’il fut du petit nombre de députés qui votèrent contre la loi de sûreté générale. C’est M. de Flavigny qui nous fait connaître les motifs de la défaveur qu’il a encourue. Son préfet est entré en campagne avant lui. Tandis que M. de Flavigny prenait part aux travaux de la commission du budget, le préfet, dans sa tournée de révision, lui donnait un concurrent pour lequel il invoquait le concours des maires. M. de Flavigny s’est donc hâté de s’expliquer sur sa propre candidature dans une circulaire qu’il adresse à ses électeurs. La profession de foi de M. de Flavigny ne peut qu’être approuvée par ceux qui partagent nos opinions. « Les destinées de la France, dit le candidat que M. le ministre de l’intérieur a cru devoir rayer de sa liste, sont livrées à deux courans d’idées contraires : les uns n’ont de foi que dans l’absolutisme du pouvoir, une ombre de liberté les alarme ; les autres, et je suis du nombre, pensent que la France ne saurait rester en arrière au milieu du grand mouvement libéral qu’elle a développé dans le monde entier. Le contrôle législatif, déjà devenu plus sérieux, n’a cependant pas encore atteint sa limite légitime. La part que la nation a le droit de prendre dans la gestion de ses affaires doit nécessairement s’élargir, et ce progrès peut se réaliser graduellement, sans imprudence ni secousse. C’est par des moyens autres que ceux qui ont présidé à leur naissance que les gouvernemens se consolident. » Voilà qui est fort bien dit. M. de Flavigny n’explique pas avec moins de verdeur le rôle d’indépendance qu’il a voulu garder à la chambre. « Il me semble, dit-il, que vous ne choisissez pas des députés uniquement pour tout applaudir et tout enregistrer ; autrement il eût mieux valu qu’il n’y eût pas de corps législatif : le budget du moins aurait trouvé dans cette suppression un allégement de 4 ou 5 millions. Je croyais qu’il fallait défendre le gouvernement contre ses propres entraînemens, et qu’une critique modérée en face d’un pouvoir si fort serait quelquefois plus utile que la louange. » M. de Flavigny se demande comment il peut avoir encouru la défaveur du pouvoir. Il n’attribue pas sa disgrâce à ses opinions sur la question italienne : ce sont celles que le gouvernement