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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril 1863.

N’est-ce point une coïncidence curieuse ? A mesure que nous approchons de la date encore incertaine, mais en tout cas peu éloignée, des élections générales, les questions étrangères, qui en ces derniers temps avaient eu le privilège d’émouvoir, de passionner, d’occuper exclusivement la France, vont s’éteignant dans un somnolent crépuscule. Les questions du dehors font à la grande question du dedans la politesse de lui laisser la place libre. Les violens et sanglans météores qui ont si longtemps envahi et enflammé notre horizon s’effacent et disparaissent, et il semble déjà que nous.allons voir se lever dans la molle atmosphère d’une nuit d’été, comme une lune mélancolique, cette figure du nouveau corps législatif, qui sera destiné pendant six années à représenter la France et à l’éclairer.

Une baguette de magicien a touché la question romaine et l’a endormie. La Grèce a enfin trouvé un roi. La question d’Orient n’agite plus que la Bourse sous forme de banque ottomane et d’emprunt turc, et n’est plus pour le quart d’heure qu’une annexe des spéculations du Crédit mobilier. Après avoir essayé infructueusement d’entamer aux États-Unis deux campagnes diplomatiques, nous nous reposons en laissant aux prises le nord et le sud. Le Mexique n’est plus présentement qu’une affaire d’honneur qui doit à nos fastes le nom d’une nouvelle victoire : la dette payée, on verra après. La pauvre Pologne se débattra Dieu sait combien de temps dans l’étreinte de ses sauvages oppresseurs ; mais l’empereur Alexandre voulant bien accorder une amnistie à ses sujets révoltés, faisant à la Pologne la grâce de ne pas lui retirer les institutions dont il l’a dotée, allant même jusqu’à se réserver de développer ces institutions quand elles auront été éprouvées par la pratique, qu’irions-nous demander de plus, nous autres grands contempteurs des protestations verbales du gouvernement de 1830, et qui sommes de si efficaces redresseurs de torts ? Plus d’affaires donc au dehors ; il ne nous reste qu’à nous replier sur nous-mêmes et à faire les élections.