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qui doit être l’objet de nos études, le but de nos travaux, et ce ne serait pas trop que du concours des savans de tous les pays et de l’encouragement des grandes nations maritimes pour arriver à cet important résultat.

C’est en France surtout que nous voudrions exciter en faveur de la télégraphie océanique un peu de cette ardeur qui surabonde au-delà de la Manche. Jusqu’ici le gouvernement a seul essayé d’établir des communications sous-marines, et la réussite des lignes de Corse et d’Algérie, qu’il a si vaillamment conduites, aurait dû entraîner les spéculateurs dans cette nouvelle branche d’industrie. Il n’en a rien été. En admettant même que les résultats financiers dussent être désastreux, n’y a-t-il pas un intérêt national à concourir au développement de la science, quand le but qu’elle veut atteindre est la vulgarisation de la plus merveilleuse découverte du XIXe siècle ?

Le concours financier des gouvernemens est indispensable aux compagnies de télégraphie océanique. Ce concours n’a jamais fait défaut aux projets sérieux, lorsque par le but qu’ils poursuivaient ou par l’autorité de leurs fondateurs, ils offraient de suffisantes garanties ; mais il est une aide non moins efficace qui a toujours manqué à leurs débuts : c’est l’étude préalable des tracés. Puisque l’orographie de la mer doit être la base de la télégraphie sous-marine, l’exploration des océans devrait être commencée depuis longtemps. Au moins faudrait-il étudier les routes où le besoin des communications télégraphiques se fait le plus sentir. Demander qu’une compagnie se constitue avant ces explorations indispensables, c’est proposer un chemin de fer dans un pays qu’on n’a jamais vu et dont on n’a même pas la carte.

Lorsque, l’Océan aura été sondé et que tous les élémens de la question seront sous les yeux du public, les travaux de télégraphie sous-marine se multiplieront-ils ? En dépit des lacunes de la science et des imperfections de l’industrie, nous l’espérons. Il a fallu jeter bien des millions au fond de la mer pour acquérir l’expérience que nous possédons aujourd’hui. Il faudra peut-être compter encore plus d’un échec et plus d’un sacrifice improductif avant que le réseau télégraphique s’étende aux continens lointains. Lorsque le but aura été atteint, on ne songera plus aux tentatives malheureuses. Pour le moment, il importe surtout d’encourager les hommes qui, par amour du progrès plus que par spéculation, travaillent à l’extension de la télégraphie. Nous nous estimerions heureux, si, en exprimant une conviction profonde, nous avions obtenu que l’attention des hommes d’état et des ingénieurs se portât sur leurs efforts.


HENRI BLERZY.