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essayait, malgré l’imperfection des connaissances géographiques de l’époque, de reconstituer les chaînes qui forment la charpente du globe en se guidant sur terre par les sources des fleuves ou grandes rivières qui indiquent naturellement les plus hautes montagnes, et sur mer par les îles, roches, vigies, etc., que le marin découvre à la surface. De même que les versans intérieurs de l’Europe constituent trois bassins dont le fond est occupé par la Méditerranée, la Baltique et la mer Caspienne, de même Buache croyait deviner sous les eaux de l’Atlantique trois mers distinctes, séparées l’une de l’autre par deux chaînes de montagnes. La première de ces chaînes, située près de l’équateur, fait suite aux montagnes du continent africain qui s’abaissent vers l’Océan sur la côte de Sierra-Leone ; elle se montre au jour à la roche Penedo-San-Pedro, à l’île Fernando-de-Noronha, et se relève en Amérique au cap Saint-Roch, extrémité méridionale du Brésil. La seconde chaîne est plus au nord ; c’est la continuation du Djebel-Hoggar, qui traverse le Sahara. Elle plonge au cap Noun, forme par l’émersion de ses plus hauts sommets les archipels des Canaries, de Madère, des Açores, se manifeste plus loin, entre les Açores et Terre-Neuve, par un certain nombre de bas-fonds que quelques navigateurs ont signalés, et rejoint par Terre-Neuve le cap Sable de l’Acadie. Avant que l’on connût aucun procédé précis pour faire des sondages à de grandes profondeurs, Buache avait soupçonné que les régions comprises entre les chaînes sous-marines doivent être plus creuses que les régions situées sur l’alignement des archipels, et, à l’examen de la carte du bassin de l’Atlantique dressée par le commandant Maury, il est aisé de se convaincre que les vues de ce savant ne manquaient pas d’exactitude. Au sud de l’Asie, il reconnaissait de même un massif qui commençait à Madagascar et rejoignait l’île de Sumatra par Ceylan, en séparant la mer des Indes de la grande mer Australe. Dans l’Océan-Pacifique, il indiquait deux chaînes principales, l’une issue du cap Corrientes au Mexique et dirigée vers les Sandwich et les Mariannes, l’autre entre le Chili et l’Australie par les îles Chiloé et les nombreux archipels de l’Océanie ; mais nos connaissances orographiques sont encore trop imparfaites pour qu’il soit possible d’apprécier la valeur de ces suppositions.

S’il faut en croire les traditions consacrées par les plus grands génies de l’antiquité, ce n’est pas une vaine hypothèse de rechercher sous le niveau de la mer actuelle les traces d’un ancien continent. Le souvenir d’un peuple englouti dans l’Atlantique s’est conserve