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l’attention des ingénieurs et suscité quelque projet. Cependant il faut reconnaître que les études des divers traces proposés sont encore trop imparfaites pour qu’une opinion décisive puisse être émise sur la valeur de chacun d’eux. Tous sans doute ont quelques avantages et présentent beaucoup de dangers. Il est surtout un inconvénient capital commun aux trois premiers, l’immense longueur des distances à parcourir sans point d’arrêt intermédiaire. Que si l’on s’étonnait de voir préférer la ligne directe, il faudrait remarquer qu’elle a été mieux explorée que toute autre, que la voie est tracée en quelque sorte par les tentatives antérieures, dont l’échec peut être attribué à l’inexpérience des hommes. En outre elle satisfera le mieux les exigences du commerce anglais. Il n’est donc pas surprenant que les Anglais y concentrent leur science et leurs capitaux. Noble exemple à suivre par les nations que leurs intérêts attirent dans d’autres régions de l’Atlantique.


II

La civilisation européenne s’étend vers l’orient aussi bien que vers l’ouest. Les Indes, la Chine et l’Australie n’ont pas pour l’homme d’état et le négociant un intérêt moindre que les deux Amériques. Il n’y a pas de grand Océan qui nous sépare de l’Asie, et le voyageur pourrait se rendre de Paris à Calcutta sans franchir une seule mer. Cependant les progrès de la télégraphie sont lents dans cette direction, et ne marchent pas en proportion des immenses intérêts commerciaux qui s’agitent dans cette partie du monde. Les contrées désertes, et les peuplades insoumises sont-elles donc un obstacle comme les profondeurs de l’Océan ? A l’origine de la télégraphie, on s’exagérait volontiers les périls que la malveillance fait courir aux lignes terrestres, et la protection dont elles doivent être couvertes. Il y a douze ans à peine que les fils sont sortis de l’enceinte des. chemins de fer. Aujourd’hui nous nous défions moins de ces dangers imaginaires, et nous abordons sans crainte les voies terrestres. Nous citerons les Américains, qui ont relié New-York à San-Francisco, malgré une distance de 4 ou 5,000 kilomètres à travers les solitudes du far west. Plus près de nous, Tunis communique télégraphiquement avec Alger à travers 800 kilomètres de montagnes, et ni les maraudeurs de la Kabylie ni les nomades de la frontière ne se sont montrés hostiles au fil qui porte la pensée.

Depuis la rupture des câbles immergés en 1859 et 1860 dans la Mer-Rouge et l’Océan-Indien, l’idée à prévalu en Angleterre de relier les Indes à l’Europe par une ligne principalement terrestre. Cette ligne, établie par le gouvernement ottoman, part de Constantinople,