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rapports, à l’esprit du prophète. Pourtant les Turcs seljoukides et les Turcs osmanlis, sous les sultans d’ïconium et sous les descendans d’Othman, ont, eux aussi, dans leur histoire des périodes qui ne manquent ni de grandeur ni d’éclat. Je n’entends point parler ici seulement de la valeur guerrière et des succès qu’elle procure : tous les barbares que les événemens précipitent sur une société caduque, sur un vieux monde las et chancelant, en triomphent aisément par la rudesse même de leur jeune et farouche énergie ; mais il en est, comme les Huns et les Avares, qui ne laissent rien derrière eux que les ruinés qu’ils ont faites, et qu’un nom d’épouvante et d’horreur. Il y a autre chose que des villes prises et des batailles gagnées dans des règnes comme ceux d’Alaëddih et de Soliman le Magnifique ; nous trouvons dans la société que gouvernaient ces princes et leurs prédécesseurs et successeurs immédiats, toute turque et musulmane qu’elle fût, une organisation bien appropriée au caractère du peuple auquel elle s’appliquait, et produisant par suite un grand développement de puissance politique ; nous y. trouvons, à défaut d’originalité, — les Turcs ne firent guère en littérature que traduire et compiler, en architecture qu’employer ou imiter les Grecs et les Persans ; — une certaine activité d’esprit et un certain amour de l’art. C’est donc méconnaître la nature humaine et ses ressources cachées, c’est dédaigner le témoignage de l’histoire que de déclarer les Turcs incapables, en tant que musulmans, de tout progrès sérieux et de toute culture féconde.

Fût-il désirable de convertir les mahométans au christianisme, et y eût-il quelque chance d’y réussir, l’exemple que leur donnent les chrétiens avec qui ils se trouvent d’ordinaire en contact ne contribuerait guère à les entraîner Vers ce changement. Il n’est pas ici question des raïas, qui le plus souvent sont notoirement inférieurs en droiture et en bonté aux vrais Turcs, à ceux que l’on trouve encore, quand on sait où les prendre, dans la campagne et parmi la petite bourgeoisie des villes ; les vices des chrétiens d’Orient né s’expliquent que trop par leur long esclavage, et ces pauvres gens sont encore plus à plaindre qu’à blâmer. C’est des Européens mêmes que nous voulons parler. Laissons cependant de côté les ambassades. Ce n’est pas que le spectacle qu’elles offrent soit en général bien édifiant ; leurs membres pratiquent souvent, sous les yeux mêmes des Turcs, cette polygamie qu’ils ne manquent jamais, dans leurs conversations et leurs dépêches, de reprocher à la société turque comme une de ses plus tristes plaies. Les représentans des différentes nations chrétiennes se détestent mutuellement, et, pour satisfaire leur jalousie, trempent dans toute sorte d’intrigues, et perpétuent, en la soudoyant, cette corruption des fonctionnaires qu’ils blâment avec une si vertueuse indignation. Les ambassades