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faubourg de Ton-ka-dou fut couvert par un ouvrage à crémaillère. Chaque nation devait en outre garder sa propre concession et un certain nombre des portes de la ville.

Les cartes chinoises et celles des environs de Shang-haï, dressées autrefois par les jésuites, furent étudiées avec soin, et l’on reconnut les routes et les arroyos qui menaient au cœur de l’ennemi. Les anciennes dynasties, après avoir doté la province de Kiang-see de tous ces canaux, avaient défendu les principales de ces admirables voies de communication par une ceinture de villes fortifiées, placées autour de Shang-haï, dans un rayon de dix à douze lieues. Toutes ces places fortes, à l’exception d’une seule, Son-kiang, alors entre les mains du colonel Ward, étaient au pouvoir des rebelles. C’étaient, à commencer par le nord, Kia-ding, Tsin-poo, Tsa-olin, Yo-mié, Ne-wei et Tse-Suoa. De ces villes, qui leur servaient de boulevards et de magasins, les Taï-pings lançaient leurs bandes à travers les campagnes. Pour resserrer le blocus autour de Shang-haï, ils avaient établi à Ko-djo, Siao-tan, Wan-ka-tse et Tseu-pou, à demi-distance des places fortes et de la ville, des camps fortement retranchés, ou fortifié de grands villages par des travaux en terre entourés de fossés. Cette manière de procéder, en leur permettant de se débarrasser promptement de leur butin, leur assurait une grande facilité de mouvemens. S’ils étaient battus ou surpris en rase campagne, ils avaient ainsi des lieux de retraite à peu de distance les uns des autres, où ils ne craignaient rien des impériaux.

Les amiraux, n’ayant avec eux que très peu de matelots, convinrent d’ouvrir la campagne par la destruction de tous ces réduits de rebelles. Les grandes villes ne devaient être assiégées que plus tard, et amener par leur chute la disparition complète des Taï-pings dans un rayon de quarante milles autour de Shang-haï. C’était en définitive les faire rentrer de force dans les limites imposées par les anciennes conventions. Il fut de plus formellement stipulé que les Européens, en prenant les villes fortifiées et ces réduits, y laisseraient des garnisons en attendant que les Chinois fournissent eux-mêmes assez de troupes bien armées pour relever nos soldats. On fit venir, à cet effet, des provinces du nord dix mille soldats impériaux, qui devaient être tous Tartares, et dont le foutaï lui-même prit le commandement.

Lorsque le bruit d’une expédition prochaine contre les rebelles se répandit dans la petite escadre française, ce fut une joie générale parmi les marins. Ils allaient donc secouer cet ennui qui finit par gagner les équipages lorsque les stations se prolongent longtemps au même mouillage. Les matelots étaient comme alléchés par le récit des engagemens heureux soutenus par les canonnières dans le