Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/852

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tous, la charrue, que la bêche, il est vrai, remplace dans beaucoup de districts. La charrue à la Dombasle et même la charrue américaine en fer commencent néanmoins à se répandre, et, grâce à la diffusion générale de l’enseignement, des changemens notables peuvent s’accomplir en peu de temps. Les grandes machines d’invention nouvelle, les semoirs, les moissonneuses, les batteuses, n’ont guère apparu qu’aux expositions. Par suite de l’extrême division des exploitations, ce n’est qu’au moyen de l’association qu’on pourrait les faire pénétrer dans l’usage ordinaire.

Si l’on se rappelle la répartition du territoire entre les prés et les champs, on ne s’étonnera pas de trouver les produits des seconds beaucoup moindres que ceux des premiers. La Suisse est sans doute le pays de l’Europe qui récolte le moins de grains, eu égard à sa population et à son étendue. On ne porte sa production totale en céréales de toute espèce qu’à 4,400,000 hectolitres, ce qui ne fait pour ses 2,760,000 hectares d’étendue productive que 1,60 hectolitres, et pour ses 581,000 hectares de terre arable que 7,59 hectolitres, tandis que la Belgique en fournit autant par chaque hectare de superficie, terrains incultes compris, ou en tout 24 millions d’hectolitres. En déduisant la semence et l’avoine, il ne reste en Suisse pour la consommation de 2 millions 1/2 d’habitans que 3,330,000 hectolitres de grain. D’après des calculs rigoureux, il y a au plus de quoi suffire à la consommation locale pendant trente et une semaines de l’année. C’est à l’étranger qu’il faut demander le surplus, c’est-à-dire 2,250,000 hectolitres, soit environ 1 hectolitre par tête, proportion énorme qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, pas même en Angleterre. Nul autre peuple ne dépend à ce point, pour le pain qu’il mange, du marché extérieur ; c’est le résultat d’une entière liberté commerciale et du développement industriel de la Suisse, qui paie avec ses produits manufacturés, exportés au loin, les céréales qu’elle tire de l’Allemagne méridionale, de l’Autriche, de la Hongrie même par les voies ferrées. Rorschach, Arbon, Romanshorn, sur les bords du lac de. Constance, sont les entrepôts où les cantons viennent s’approvisionner. La pomme de terre, d’une croissance rapide pendant l’été, supporte mieux le climat des montagnes que le blé, auquel ne conviennent pas de trop longs hivers. Aussi le produit de ce tubercule est-il plus grand que celui des céréales, on le porte à 9 millions d’hectolitres. Parmi les plantes industrielles, on peut citer le lin, dont la culture est peu répandue, le chanvre que le petit cultivateur récolte et prépare lui-même pour faire la forte toile nécessaire à sa famille, la soie produite dans le val Misocco et dans le Tessin et dont on porte la valeur annuelle à 1 million 1/2 de francs, un peu de tabac qu’on cultive dans le pays