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filets blanchâtres, le pin sylvestre aux branches rigides d’un vert glauque, accompagnent l’épicéa jusque vers 6,000 ou 6,500 pieds ; mais partout on les rencontre en moindre abondance. Ce sont les résineux qui constituent en Suisse la beauté du paysage et la richesse du montagnard ; ils lui fournissent les matériaux nécessaires pour élever les parois de sa demeure, la couvrir, la chauffer, chose essentielle au milieu des frimas, pour fabriquer tous ses meubles, ses outils, les clôtures de ses prés, les conduits de ses fontaines, etc. Cette énumération indique assez que sans ces arbres, qui croissent dans les fentes des rochers et résistent aux froids les plus vifs, les hautes vallées seraient inhabitables.

Parmi les arbres à feuilles caduques, le hêtre est le plus commun. Il n’apparaît qu’exceptionnellement dans la zone alpestre, où il s’élève par endroits jusqu’à 4,500 pieds, dans le canton du Tessin par exemple. Ce n’est que dans la région inférieure qu’il forme des massifs boisés. On le rencontre principalement sur le terrain de la molasse et du calcaire, notamment dans le Jura. Dans beaucoup de localités, on recueille ses feuilles pour remplacer la paille, qui fait généralement défaut. Celles de l’érable servent au même usage. Le chêne, si commun dans toutes les forêts de l’Europe centrale, est extrêmement rare dans toute la Suisse, et les chemins de fer, qui en réclament le bois pour leurs billes, l’ont presque entièrement fait disparaître. Les deux espèces de bouleaux, les betula alba et nana, et l’aune dans sa forme alpine accompagnent les résineux jusque vers la limite des neiges ; mais avec leurs branches rampantes et rabougries, leurs formes naines, ils n’ont d’autre utilité que de retenir les terres sur les déclivités des montagnes et d’empêcher la formation des avalanches. Aux bords des cours d’eau s’élancent le tremble, qui monte jusqu’à 5,000 pieds le long de l’Inn, et le frêne, qui a une certaine importance pour l’étable, parce que, dans plusieurs vallées, son feuillage, séché comme du foin, sert l’hiver de nourriture au bétail. Telles sont les principales essences qu’on trouve en Suisse ; mais celles à feuilles persistantes l’emportent de beaucoup sur les autres pour la masse et pour la qualité de leurs produits.

La plupart des forêts appartiennent aux communes. Les différens cantons en possèdent tout au plus la vingtième partie, et les particuliers n’en ont guère davantage. Dans les régions bien boisées, les forêts communales sont encore assez étendues pour fournir largement et sans mesure aux habitans le bois de chauffage et de construction dont ils ont besoin. Dans les districts où les forêts deviennent plus rares, on procède avec plus de ménagement, et la quantité de bois dont chaque ménage peut disposer est strictement limitée. Même