Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/812

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils la mirent nue et la flagellèrent si cruellement qu’elle défaillit. Au milieu de ses souffrances, elle ne faisait entendre qu’un cri : « Grâce pour Principia ! — » Elles furent enfin transportées dans l’église de Saint-Paul, qui était à la fois un hôpital et un lieu de refuge ; Marcella expira quelques jours après. Ainsi périrent beaucoup de femmes chrétiennes sous les outrages de ces Barbares qui étaient chrétiens, et dont elles avaient peut-être souhaité le triomphe. Proba Faltonia elle-même, cet auteur présumé de la perte de Rome, vit prendre d’assaut le palais des Anices. Luttant contre des soldats ivres de lubricité et de vin, elle cachait dans son sein et enveloppait de son manteau sa petite-fille Démétriade, que ces hommes voulaient lui ravir ; elle la racheta au prix de son or et de ses bijoux. On les traîna ensuite dans un des lieux où les Goths déposaient les riches captives pour que leurs familles les rachetassent une seconde fois.

Une femme chrétienne donna dans ces affreux momens un exemple d’héroïsme resté célèbre. Ce n’est pas assurément que les matrones qui professaient la foi nouvelle eussent sur les autres le privilège de la pudeur et de l’énergie, mais les écrivains ecclésiastiques sont les seuls qui nous donnent des détails circonstanciés sur le siège de Rome, les récits païens ayant péri presque entièrement par le fait des hommes et du temps. Cette femme, nous dit l’histoire, était d’une merveilleuse beauté ; elle tomba aux mains d’un jeune soldat goth qui voulut la posséder, et une lutte odieuse commença entre le Barbare et elle. Animée d’une force surnaturelle, elle résistait et le repoussait. Dans sa colère, il fit mine de la tuer, et comme elle le défiait encore, il lui passa son épée sur le côté de manière à lui en faire sentir le fil sans la blesser profondément. Le sang jaillit néanmoins, et le corps de la jeune femme en fût comme inondé ; mais la douleur ne lui arracha pas un cri, pas un signe de frayeur. Se jetant au contraire, la tête haute, au-devant du fer : « Frappe mieux, dit-elle à son assassin ; je préfère mourir plutôt que de reporter à mon mari un corps souillé par l’infamie. » L’histoire raconte que le soldat, ému de pitié, la conduisit lui-même à la basilique de Saint-Pierre, où il la remit au gardien de l’asile, payant en outre six pièces d’or pour sa nourriture, jusqu’à ce que la courageuse Romaine eût retrouvé son époux.

C’étaient là des faits malheureusement communs à tous les sacs de villes, mais il y en eut un que celui-ci put revendiquer comme sien, parce qu’il caractérisait d’une façon éclatante certaine disposition d’âme qu’apportaient au milieu du désordre les vainqueurs et les vaincus. L’ardeur du pillage avait entraîné un officier goth dans un quartier retiré, probablement pauvre et dont l’isolement promettait aux habitans quelque sécurité. Il y remarqua une maison