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Le roi goth s’aperçut alors, mais trop tard, que le césar de son choix n’était ni assez vil pour le servir aveuglément, ni assez intelligent pour diriger sans lui des intérêts qui leur étaient communs. Il en éprouva une profonde colère. Toutefois il ne manifesta au dehors ni surprise ni regret, par dédain, par fierté, et aussi, pour ne point discréditer un gouvernement qui commençait à peine de naître. C’était dans le secret de sa tente, au milieu des siens, que son humeur mécontente éclatait, et alors il se livrait aux emportemens les plus sauvages contre cet instrument récalcitrant qui osait se montrer moins bas qu’il ne l’avait jugé. On prétend qu’un jour, traitant les principaux des Goths dans son camp, il fit, dépouiller Attale du manteau impérial, et l’obligea de servir à table en habit d’esclave. Ce récit pourrait bien n’être qu’une fable ; mais il exprime du moins sous une vive image le mépris que devait, sentir ce peuple barbare pour l’empereur et le gouvernement que son épée avait faits.

On calcule que les débats dont nous venons de parler purent s’engager vers le milieu du mois de juillet 409 ; avant le commencement d’août, l’armée, d’Alaric était en mouvement. L’entreprise projetée contre Carthage se combinait dans son esprit avec une autre qui avait Ravenne pour objet ; en même temps qu’on forcerait dans son repaire d’Afrique le plus redoutable partisan d’Honorius, on irait également forcer le fils de Théodose dans son repaire de Ravenne, l’enlever ou le chasser de l’Italie. Ces deux actions simultanées devaient assurer par leur réussite l’existence, du gouvernement nouveau. La première, se trouvant fort compromise, sinon, manquée à l’avance, par la folle résolution d’Attale, Alaric sentit qu’il fallait précipiter la seconde avant que l’échec, qu’il prévoyait trop, ne vînt rendre confiance aux assiégés. En bon maître des milices romaines, il composa, son armée moitié de troupes barbares, moitié de troupes nationales ralliées au sénat ; il confia même à un officier romain nommé Valens le commandement général de sa cavalerie, puis il se mit en route vers l’Adriatique. Attale l’accompagnait comme le personnage qui donnait un caractère politique à l’expédition. Aucun obstacle ne retarda leur marche, pas même un semblant de résistance de la part des troupes d’Honorius dans les gorges de l’Apennin, et Alaric put installer bientôt son empereur sous ces mêmes murs d’Ariminum où il avait son quartier-général peu de mois auparavant. L’attitude de l’armée du sénat était fière et irritée, tandis que le plus grand abattement régnait à Ravenne, ou plutôt un abandon complet de soi-même. À l’audace puérile d’Honorius et de ses courtisans avait succédé une épouvante plus puérile encore. Le fils de Théodose tenait appareillée perpétuellement dans