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jours, la parole au sénat pour expliquer avec la plus grande clarté l’influence pratique du nouveau système sur l’exercice 1862. Les auteurs du communiqué ne semblent avoir rien compris à ces explications et à ces commentaires. Il leur suffit de comparer en chiffres bruts les dépenses extraordinaires de 1860, 1861 et 1862, et de proclamer avec une naïveté triomphante qu’elles sont à peu près égales pour chaque année. Ils ne veulent pas savoir la différence profonde qui existe entre les dépensés de 1860 et 1861 et celles de 1862 au point de vue des ressources avec lesquelles ces dépenses ont été couvertes. En 1860 et 1861, les dépenses extraordinaires, qui ont été de 290 millions pour une année, de 352 millions pour l’autre, étaient bien extra-budgétaires, car elles n’étaient pas couvertes par des ressources prévues au budget, par les revenus réguliers. Qu’en résultait-il ? Ces dépenses ont accru en deux ans le déficit de 642 millions et ont pesé d’autant sur la dette flottante. C’est devant cette conséquence effrayante que l’empereur s’est ému et a écouté les conseils de M. Fould. On était dans un système où, grâce à l’entraînement des crédits par décret, on ajoutait chaque année des sommes énormes au déficit. On allait vers une nécessité déplorable pour les finances d’un pays prospère, la nécessité de faire des emprunts en temps de paix pour couvrir des dépenses qui échappaient au contrôle préalable du corps législatif. Les dépenses de 1862, de l’année de transition d’un système à l’autre, ont été lourdes sans doute, plus lourdes qu’on ne pouvait le supposer quand on ignorait encore ce que devait nous coûter la guerre du Mexique ; mais elles ont été couvertes avec des ressources prévues, et que le corps législatif a votées d’avance ; Tandis que l’année 1861 augmentait le déficit de 352 millions, l’année 1862 n’y ajoutait que 35 millions, et encore, sans la guerre du Mexique, au lieu de ce petit déficit, elle eût donné un excédant de recettes de 50 millions, qui eût pu être appliqué au dégrèvement des taxes. Comment s’expliquer que l’écrivain, évidemment peu versé dans les questions de finances, qui a tenu la plume, n’ait pas saisi cette différence profonde, et pour la comprendre ne soit pas allé demander des lumières à M. Fould ?

Quant à nous, jusqu’à présent nous avions regretté que plusieurs de nos amis de l’opposition n’eussent pas consenti à reconnaître le profit politique et financier que l’on peut tirer du nouveau système. Avec le système des crédits par décret, l’abus des dépenses excessives était à peine sensible au pays, bu du moins ne devait se faire sentir à lui que bien tardivement et lorsque le mal serait irréparable. Ces dépenses se faisaient avec l’emprunt, d’abord sous forme de dette flottante, ensuite sous forme de consolidation définitive. Un pays qui ne rembourse jamais sa dette peut aller longtemps dans cette voie. Il dépense le capital, et, ne payant que l’annuité de l’intérêt, il ne sent pas pour le moment le poids de sa dépense. Rien de plus dangereux qu’un tel système qui endort le pays sur les conséquences de ses dépenses excessives, qui lui donne le change sur le caractère de ses prodigalités et les lui présente comme un signe de sa richesse ; rien non