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ils sont arrivés à un âge où l’on a peu le goût et par conséquent le pressentiment de l’avenir, où l’on vit dans le souvenir bien plus que dans l’espérance. Nous le disons donc avec la plus respectueuse déférence pour ces hommes illustres, ils peuvent aider à la renaissance d’un grand parti libéral, mais ils y mettraient obstacle, s’ils songeaient qu’ils en puissent être les véritables initiateurs et les chefs. Dans une société politique vivante, l’action des partis n’est utile qu’à la condition que les partis consentent à se vivifier par des transformations incessantes. Le régime sous lequel nous vivons depuis douze ans n’a point été favorable assurément à l’éducation progressive des partis. Des anciens partis, il n’est plus resté en évidence que les états-majors, qui se sont pour ainsi dire laissé embaumer dans une inaction de douze années, et qui plus d’une fois ont paru ne point avoir l’intelligence de ce qui s’accomplissait autour d’eux dans le monde. Cependant, si l’on songe à l’état d’émiettement où les opinions étaient arrivées avant 1852, il semble que l’on puisse aujourd’hui tirer profit de la longue interruption qu’a subie chez nous la vie politique. Pendant que s’écoulait cette longue période d’inaction sont survenues des générations nouvelles, dégagées envers le passé, qui n’ont point hérité de ses divisions, de ses récriminations, de ses haines, pour lesquelles les questions de personnes, autrefois si irritantes, n’existent plus. C’est là surtout, c’est parmi les hommes nouveaux qu’il faut aller chercher les élémens du grand parti libéral de l’avenir : fidélité à la révolution française, dévouement à la démocratie, au progrès du peuple dans l’instruction et dans le bien-être, application au plus large développement de la liberté, tel est l’idéal du grand parti de la démocratie libérale. Son œuvre la plus pressante est aujourd’hui la conquête de la liberté. Le cadre d’un tel parti est immense ; il peut rallier ses recrues, non pas seulement dans les débris des anciens partis révolutionnaires et libéraux, mais dans tout ce qu’il y a de vivant, de généreux, de patriotique au sein des masses et dans la jeunesse ; il ne faudrait même pas connaître ses contemporains pour ignorer que cette grande cause peut compter sur les adhésions les plus nombreuses parmi les partisans les moins suspects du régime actuel, qui attendent le couronnement de l’édifice, même dans l’élite des fonctionnaires de tout ordre. Il importe de ne point méconnaître la réalité de la situation telle qu’elle se présente au parti de la liberté. Il importe, dans ces débuts, de ne point compromettre nos avantages par ces airs d’intolérance et d’exclusion qui s’attacheraient inévitablement à l’intervention trop active dans les élections de certains noms du passé. Nous reconnaissons avec satisfaction que ce scrupule a été compris dans les réunions électorales dont on a parlé. Au lieu de former des comités dirigeans, ces réunions paraissent devoir se borner au rôle de comités de consultation auprès desquels les électeurs indépendans trouveront les renseignemens et les moyens d’action légale qui pourraient leur être nécessaires dans la lutte. Quant à la fermeté et à la réserve que l’on peut attendre de ces groupes influens, M. Thiers vient d’en donner un