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fois entré dans le gouvernement, eût tout mis sous ses pieds; Honorius se soulevait à l’idée de passer de la tutelle d’un Vandale à celle d’un Goth, et le parti des généraux romains repoussait toute concession capable de ramener l’influence des généraux étrangers, tandis qu’Olympius, fidèle à son rôle, faisait sonner bien haut, au nom du parti catholique, l’hérésie, le paganisme et toutes les doctrines impies rentrant dans l’état avec ce roi et ce peuple ariens. On n’hésita donc pas à empêcher par tous les moyens possibles la pacification de se conclure. Le traité, quoique déjà signé par l’empereur, fut publiquement l’objet des plus amères critiques. Il restait à solder quelque argent que le sénat n’avait pu fournir et qu’il sollicitait du trésor impérial, l’empereur le refusa; des otages aussi restaient à livrer, l’empereur déclara qu’il n’en livrerait point.

Alaric écrivait, pressait, réclamant la pleine exécution des conventions au nom de la foi jurée : on l’apaisait par des prétextes; mais à mesure que s’écoulait le temps, son irritation croissait en violence. Il finit par menacer Rome d’un nouveau siège, et envoya des corps de partisans faire le dégât sous ses murs. La terreur redevint générale : les plus riches familles voulaient partir et quitter la ville, pendant que les avenues étaient encore libres. Dans ces circonstances alarmantes, le sénat résolut d’envoyer une députation à Ravenne pour peser sur la détermination de l’empereur et de son gouvernement, et les supplier ou de désarmer Alaric en exécutant fidèlement le traité, ou d’envoyer une armée qui pût le chasser de l’Italie. Les députés élus furent au nombre de trois, choisis dans les familles patriciennes les plus élevées. C’était d’abord Cécilianus, ancien vicaire d’Afrique, ami de saint Augustin, chrétien catéchumène, et d’une vie jusqu’alors recommandable, quoique la vengeance et l’ambition fussent capables de l’entraîner à des crimes odieux, comme il le prouva plus tard : en ce moment, il était l’homme d’Olympius, et sa nomination avait pour but d’amener, s’il était possible, le ministre tout-puissant au désir du sénat. Nous ne savons rien du second délégué, Maximianus, sinon qu’il était fils d’un très haut fonctionnaire appelé Marinianus, célèbre par son opulence. Quant au troisième, qui doit jouer un rôle important dans la suite de nos récits, nous en parlerons plus longuement, afin de bien préciser le caractère qu’il apportait dans cette ambassade et l’intérêt de parti qu’il y représentait.

Priscus Attalus (c’était son nom), riche citoyen d’Ionie promu au sénat romain, pouvait passer pour le type parfait des nobles de son temps, brillans, spirituels, incrédules au fond pour la plupart, et païens par mode. Une élocution facile et parfois trop abondante, à la manière des rhéteurs grecs, lui avait valu une sorte de réputation d’orateur ; il composait aussi de petits vers érotiques qu’il chantait