Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/686

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y remuait de la terre et que la côte d’Anvers était baignée par l’eau salée.

L’immense développement des chemins de fer à travers le sol ou le sous-sol trouve chez nos voisins un point d’appui merveilleux dans l’opinion publique. Les Anglais font encore mieux que d’encourager les ingénieurs, ils les honorent. Il fallait voir l’année dernière, pour s’en convaincre, l’inauguration du monument élevé à Robert Stephenson dans la ville de Newcastle-on-Tyne. Jamais je n’avais assisté à une cérémonie plus émouvante ; c’était la fête de l’industrie, le triomphe du travail et des travailleurs. Toutes les boutiques de la ville étaient fermées ; des drapeaux et des bannières flottaient à toutes les fenêtres. Les ouvriers de toutes les grandes fabriques, musique en tête et couleurs déployées, défilaient par bandes dans les principales rues. Au milieu de ces emblèmes et de ces enseignes vaillamment portés par de robustes mains, une petite bannière attirait surtout les regards de la multitude ; sur les plis de cette bannière, qui s’avançait en tête des mineurs (pitmen), on lisait ces simples mots : « Il fut un des nôtres ! » Après avoir été dans son enfance gardeur de vaches, Stephenson avait en effet travaillé plus tard dans une mine de charbon de terre. À la base de sa statue, qui fut découverte au milieu des acclamations de la foule, s’élèvent quatre figures : un ingénieur, un forgeron, un terrassier et un mineur. C’est grâce au concours de ces quatre corps d’état que George Stephenson a soumis l’espace, abrégé les distances et défié les obstacles de la nature. Tout autre monument élevé à la gloire militaire m’eût trouvé froid, surtout dans un pays étranger ; celui-ci s’adressait à l’avenir et à toute l’humanité, sans distinction de races : les conquêtes qu’il célébrait n’avaient humilié personne, n’avaient coûté ni larmes ni sang, et tendaient à rapprocher les peuples. Au moment où cet hommage était rendu à l’homme qui personnifie le mieux en Angleterre les progrès des chemins de fer durant les vingt dernières années, le Metropolitan underground railway touchait à la fin des travaux.

L’attente du public avait été plusieurs fois trompée ; depuis trois ans, on le sait, la ligne était commencée, mais divers accidens, on le sait aussi, avaient retardé la marche des ouvriers dans l’intérieur de la terre. Au dernier moment, des difficultés s’élevèrent entre la compagnie et le gouvernement à propos des signaux. L’imagination se représente aisément ce qu’aurait d’horrible un choc de locomotive contre locomotive dans ces tunnels où règne une éternelle nuit. La nature de cette voie ferrée et les idées qui s’attachent involontairement à un chemin de fer souterrain n’étaient point faites après tout pour inspirer une confiance illimitée. On ne saurait donc trop louer