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temps après, les travaux commencèrent.. L’ingénieur était M. George Fowler, et le constructeur M. Jay. On creusa d’abord des puits (shafts) à diverses distances, sur le parcours de la ligne projetée. Un des premiers que j’aie vu ouvrir dans Londres débouchait sur une pièce de terrain inoccupée, non loin de la station du chemin de fer du nord. Ces hommes qui disparaissaient dans la fosse, ou qui en sortaient tout noirs de terre, donnaient une idée peu rassurante du sort réservé aux voyageurs. Quoi qu’il en soit, arrivés au fond du puits, les ouvriers se mirent à pratiquer des excavations et à construire d.es tunnels.. Le terrain se montra généralement favorable : c’était celui que les géologues désignent sous le nom de London clay (argile de Londres). Dans un ou deux endroits pourtant, au grand déplaisir des ingénieurs, on rencontra le sable, cet ennemi naturel des travaux souterrains. Quelques archéologues croyaient que ces fouilles feraient reparaître au jour certaines reliques du passé ; en cela du moins, leur espérance fut déçue, on ne trouva rien de remarquable. Comme il faut tout expliquer, les savans se dirent alors que les quartiers minés s’étendent sans doute au-delà des limites du Londres habité par les Romains, les Saxons et les Normands. Ce qui est certain, c’est qu’au lieu des monnaies romaines qu’on cherchait, on n’a trouvé que des coquilles, c’est-à-dire de simples médailles géologiques, souvenirs d’un temps où le bassin de Londres ressemblait au bassin de Paris ; mais les terrassiers accordaient peu d’attention à ces vestiges d’une création éteinte : un coup de pioche faisait écrouler des générations d’anciens mollusques.

Ailleurs les chemins de fer commandent plus ou moins aux circonstances extérieures et aux conditions du terrain qu’ils traversent. Ici, au contraire, le Metropolitan railway dut s’accommoder et se soumettre entièrement à l’étrange milieu sous lequel il allait se développer. Il fallut prendre le niveau de chaque rue et y conformer le niveau de la voie ténébreuse. Il était aussi nécessaire d’éviter les maisons. En Angleterre, la loi sur la propriété est inflexible : toute maison, ou du moins le terrain sur lequel elle repose, appartient à son maître jusqu’au centre du globe. Le plan économique du nouveau chemin de fer était d’acheter le moins de terrains qu’il pourrait à ciel ouvert ; il devait donc aussi s’interdire le passage sous les habitations particulières, pour lequel il eût été contraint d’offrir un dédommagement. Les travaux rencontrèrent un autre genre d’obstacles encore bien plus sérieux dans les égouts, les tuyaux de gaz, les conduits d’eau, et même çà et là dans les tubes de fils électriques, dont le réseau s’étend sous les rues de Londres. Jusqu’ici on ne se représentait guère les villes que comme une agglomération d’édifices et de maisons, un système de rues et de ponts, un ensemble