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cacalie et l’oseille des Alpes, l’amélanchier commun, l’anthyllide des montagnes, etc.

À la hauteur de 1,700l mètres, le froid est trop vif, l’été trop court et le vent trop violent pour que le hêtre puisse encore subsister ; aussi sur le Ventoux, comme dans les Alpes et les Pyrénées, un arbre de la famille des conifères est le dernier représentant de la végétation arborescente : c’est une espèce de pin assez basse, appelée pin de montagne (Pinus uncinata), par les botanistes, parce que les écailles de ses cônes sont recourbées en hameçons. Ces pins s’élèvent à plusieurs mètres de hauteur dans les endroits abrités et deviennent des buissons touffus dans les lieux exposés au vent : ils montent jusqu’à la hauteur de 1,810 mètres, et forment la limite extrême de la végétation arborescente. Les plantes herbacées de cette région sont celles de la région des hêtres, qui presque toutes atteignent la limite des pins. Cependant il faut y ajouter le genévrier commun, couché sur le sol, comme on le voit toujours sur les hautes montagnes, où le poids de la neige l’écrase pour ainsi dire tous les hivers, la germandrée des montagnes et la saxifrage gazonnante (Saxifraga cespitosa), qui s’élève jusque sur les plus hautes cimes des Alpes. La flore nous enseigne donc, à défaut du baromètre, que nous touchons à la région alpine du Ventoux, à cette région où toute végétation arborescente a disparu, mais où le botaniste retrouve avec ravissement les plantes de la Laponie, de l’Islande et du Spitzberg. Dans les Alpes, cette région s’étend jusqu’à la limite des neiges perpétuelles, séjour d’un éternel hiver ; mais le Ventoux ne s’élevant qu’à 1,911 mètres, son sommet appartient à la partie inférieure de la région alpine des Alpes et des Pyrénées. À cette hauteur, tout arbre a disparu, mais une foule de petites plantes viennent épanouir leurs corolles à la surface des pierres ou des rochers. Ce sont le pavot à fleurs orangées, la violette du Mont-Cenis, l’astragale à fleurs bleues, et, tout à fait au sommet, le paturin des Alpes, l’euphorbe de Gérard et la vulgaire ortie, qui apparaît partout où l’homme construit un édifice. Une chapelle a été bâtie au sommet du Ventoux depuis l’ascension de Pétrarque. L’ortie s’abrite à l’ombre de ses murs. Une auberge se trouve au sommet du Faulhorn, en Suisse, à 2,680 mètres au-dessus de la mer, et l’ortie y croît également, entourée des plantes qui ne se trouvent que dans le voisinage des neiges éternelles. Mais ce n’est pas au sud du sommet terminal de la montagne que le botaniste cherchera les plantes alpines caractéristiques de la région élevée d’où son œil embrasse tout le panorama des Alpes françaises, du Mont-Blanc à la mer. C’est dans les escarpemens du nord, dans les rochers exposés aux bises glaciales, privés de soleil pendant de longs mois et couverts de neige jusqu’en juin. C’est là que j’ai revu comme on