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nos arrière-neveux verront peut-être un jour sur les flancs du Ventoux un sombre bouquet de cèdres comme ceux qui ombragent encore çà et là les pentes du Liban, de l’Atlas et de l’Himalaya. Espérons que des notions plus saines auront alors pénétré dans les populations, convaincues enfin par le temps et l’expérience que ces forêts peuvent seules les protéger contre les inondations périodiques dont elles sont victimes. Le pin maritime semble appelé à réussir non moins bien que le cèdre sur le Venteux. Arbre à la fois utile et gracieux, il couvrira les parties les plus apparentes de la montagne. C’est l’essence qui fournit en France la plus grande quantité de térébenthine, substance dont on retire l’essence de même nom et la poix, appliquée par l’industrie à tant d’usages divers. Le pin sylvestre est celui de tous les arbres qui résiste le mieux au vent et au froid ; nul autre, excepté le bouleau, ne s’avance aussi loin dans le nord, car en Laponie il atteint le 70° degré de latitude.

Mais les semis les plus précieux sont ceux des chênes dans les parties basses de la montagne, au-dessous de la limite des hêtres. Pour le forestier du nord de l’Europe, le chêne est un arbre qu’on exploite en taillis pour le chauffage, et dont on réserve les baliveaux pour les constructions. Dans le midi, on ne cultive pas les chênes en taillis pour eux-mêmes, mais parce que la truffe noire, ce champignon souterrain si cher aux gastronomes, croît principalement entre les racines des arbres de ce genre ; elle y acquiert un parfum qui lui manque quand elle végète entre les racines du charme, du hêtre, du noisetier, du châtaignier, du pin d’Alep, du marronnier, du lilas, etc., au pied desquels on la rencontre quelquefois. Quelques détails sur le champignon lui-même auront peut-être de l’intérêt pour ceux, et le nombre en est grand, qui prisent la truffe sans savoir précisément ce qu’ils mangent.

La truffe est un champignon souterrain dont les spores ou organes reproducteurs sont intérieurs comme ceux d’un champignon blanc sphérique assez commun en automne sur les terrains gazonnés, où il acquiert quelquefois un volume énorme, et que l’on connaît vulgairement sous le nom de vesse-de-loup ; les botanistes l’appellent Lycoperdon bovista. M. R. Tulasne, de l’Institut, a parfaitement élucidé l’histoire naturelle des truffes, et leur a consacré un magnifique ouvrage. Il résulte de ses recherches que le genre Tuber ou truffe renferme vingt et une espèces. Quatre d’entre elles sont confondues sous le nom de truffe ordinaire ou truffe noire. Deux mûrissent en automne et se récoltent au commencement de l’hiver : ce sont la truffe noire proprement dite et la truffe d’hiver. La première, la plus parfumée et la plus estimée de toutes, présente une surface couverte de petites aspérités. Le tissu intérieur, d’un noir uniforme tirant sur le rouge, est parcouru par des veines d’abord