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entre les deux versans diminue. C’est donc sous le 45e degré que ce contraste est aussi frappant que possible, et le Ventoux occupe sous ce point de vue la position géographique la plus favorable.

Beaucoup de botanistes pensent que la composition chimique du sol exerce une grande influence sur la végétation. Ils sont persuadés que la présence de la silice, de la chaux, de la potasse, de la magnésie, du sel marin, est nécessaire à l’existence de certaines plantes, inutile ou hostile à certaines autres. On cite des végétaux, le châtaignier, les bruyères, certains genêts, la digitale, qui ne prospèrent que sur les sols siliceux, tels que le granité, le gneiss, les grès, les schistes, etc. D’autres plantes préfèrent les sols calcaires. Tous les savans sont également d’accord pour reconnaître l’influence prépondérante des conditions physiques. Il est clair que la perméabilité du sol, son mode d’agrégation, son degré d’humidité, sont des conditions fondamentales. Le labourage, le binage, le drainage, n’ont d’autre but que de donner au sol les qualités physiques que les plantes cultivées réclament pour payer l’agriculture de ses soins. Ainsi donc, sur une montagne dont la structure géologique ne serait pas homogène, on ne saurait comparer logiquement la végétation des différentes zones, et encore moins celle des deux versans. L’influence de la terre compliquerait celle des agens atmosphériques, et l’on risquerait d’attribuer à l’air et à sa température des effets provenant du sol, ou vice versa. Sur le Ventoux, cette confusion est impossible ; le sol est partout d’une composition physique et chimique uniformes : la montagne entière est calcaire et recouverte d’une couche de fragmens de la même roche presque de même grosseur. Les agens atmosphériques déterminent donc seuls ou arrêtent la végétation de telle ou telle espèce.

La rareté des sources est encore une condition favorable ; partout la terre est également sèche ; il n’y a point, comme sur d’autres montagnes, des prairies humides et des pentes arides. Nulle part le sol n’est arrosé par des filets d’eau permanens, et même celui de la Fontfiliole se perd finalement au milieu des pierres. Le déboisement du Ventoux, si déplorable sous tous les points de vue, est une circonstance heureuse pour les études de topographie botanique. Il favorise l’uniformité de la végétation. Si la montagne était partiellement ombragée par d’épaisses forêts, comme celles de la Grande-Chartreuse, les parties boisées seraient occupées par des espèces différentes de celles qui garnissent les parties dénudées ; un versant couvert d’arbres n’eût pas été comparable au versant opposé qui en eût été dépouillé. Les forêts d’ailleurs s’opposent à la dissémination des graines, altèrent les lois du décroissement de la température, abritent certaines parties, entretiennent l’humidité autour d’elles, en un mot elles rompent l’uniformité, condition essentielle d’une