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pas en mer. On conçoit également pourquoi l’hiver et le printemps sont les époques de l’année où il acquiert la plus grande force et dure le plus longtemps, car c’est pendant ces deux saisons que le contraste entre la température de l’air des montagnes et celui du rivage est le plus marqué.

De pareils vents, qui souillent souvent pendant une semaine tout entière, sont hostiles à toute végétation : ils courbent, dépriment et brisent les arbres et les arbustes, déchirent les feuilles des plantes herbacées les plus humbles, emportent la terre végétale et dessèchent le sol qui les nourrit. Les pluies torrentielles du printemps et de, l’automne, les averses orageuses de l’été sont impuissantes pour compenser le mal, car ces eaux s’écoulent rapidement en torrens éphémères. Cependant, grâce à la couche de fragmens brisés qui revêt les flancs de la montagne, l’eau s’infiltre jusqu’aux racines, et sous ce macadam naturel, la terre végétale conserve une certaine fraîcheur.

Si le Ventoux était un massif granitique ou schisteux, de nombreuses sources filtrant à travers les fissures de la roche compenseraient l’action desséchante du soleil et du vent ; mais le Ventoux est calcaire, et dans toutes les montagnes appartenant à cette formation, les sources sont abondantes, mais rares. Les eaux pluviales pénètrent entre les tranches des couches, s’arrêtent sur des bancs argileux qui en font partie, et viennent se réunir en un même point où elles donnent naissance à des rivières qui semblent sortir brusquement de terre : telle est la célèbre fontaine de Vaucluse, non loin du Ventoux ; telles sont la Birse, dans le Jura, et la Vis, dans les Cévennes. On ne connaît que cinq sources sur le Mont-Ventoux : la source du Groseau, au pied du versant occidental de la montagne ; miniature de la fontaine de Vaucluse, elle arrose les prés verdoyans qui entourent la jolie ville de Malaucène. Sur la montagne même, les puits de Mont-Serein, situés sur le versant septentrional, à 1,455 mètres d’élévation, abreuvent les troupeaux de moutons qui passent l’été sur ce plateau. On cite encore la source d’Angel, à 1,164 mètres ; celle de Lagrave, et surtout la Fontfiliole, à 1,788 mètres au-dessus de la mer, et par conséquent à 123 mètres seulement au-dessous du sommet. C’est un mince, mais intarissable filet d’eau qui se fraie un passage entre les pierres, et qui se maintient toujours à une température de 5 degrés centigrades. La Fontfiliole est évidemment le produit des eaux provenant de la fonte des neiges. Quoique le sommet du Ventoux en soit dépourvu pendant quatre mois de l’année, ces eaux, circulant dans les méandres formés par les intervalles qui séparent les pierres, suffisent pour alimenter cette petite source pendant tout l’été : ressource précieuse pour les voyageurs