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et d’immeubles, ainsi que l’endroit où ils se trouvaient, et, pour prévenir toute dissimulation possible, le décret annula les créances que des tiers pourraient présenter sur le condamné. Les amis connus de Stilicon et ceux que, pour une raison ou pour une autre, on engloba dans la catégorie des satellites furent frappés de semblables mesures. La plus grande rigueur était exigée des agens du fisc, et les ménagemens, l’équité même, pouvaient tourner contre eux comme des prévarications taxées de complicité ou de connivence avec les proscrits. L’intendant des largesses sacrées, Héliocrates, chargé de la poursuite des confiscations à l’intérieur de Rome, ayant mis dans sa conduite une modération dont l’histoire le loue, se vit dénoncer auprès d’Olympius : il savait ce que valaient les maîtres qu’il servait, et, sans perdre le temps à se justifier, il se sauva précipitamment dans une église. L’exil, la relégation, l’emprisonnement, marchaient de pair avec les confiscations. Les anciens soldats de Stilicon étaient particulièrement suspects; on leur interdit l’accès de Rome et celui de Ravenne, lors même que leur congé de vétérance était régulier et qu’il avait été obtenu sans faveur : en cas d’infraction à la défense, on les déportait. La terreur était générale. Tout entier au sentiment de son triomphe, le parti catholique excusait ces crimes ou les atténuait pour n’avoir pas à en rougir. « L’église et le prince, nous dit le représentant historique de ce parti, Orose, furent ainsi sauvés à bon marché par le châtiment de quelques pervers. » Le langage des écrivains polythéistes est au contraire sombre et douloureux. «C’était, disent-ils, le règne du mauvais génie; en l’absence du bon, qui s’était retiré de la terre, il troublait à son gré toutes les choses humaines. »

A l’aide de ces cruautés et du bouleversement des plus hautes fortunes, la réaction religieuse voguait à peines voiles. Olympius, dès son arrivée à la maîtrise des offices, avait fait appel aux évêques, provoquant les plus considérables à lui donner des avis, accueillant toutes les demandes, recevant toutes les députations ecclésiastiques avec une feinte humilité. Un de ses premiers actes fut d’écrire à l’évêque d’Hippone, Augustin, qui se contenta de louer sa piété et le bien qu’il voulait faire à l’église, mais ne lui traça point de plan de conduite : des hommes plus ardens le poussaient dans la voie des réactions violentes. On vit en effet les lois religieuses se succéder avec une étonnante rapidité : en quelques mois, le régime de tolérance établi par Stilicon après la mort de Théodose avait complètement disparu. Stilicon avait été assassiné le 23 août 408, et dès le 14 novembre une loi excluait des charges de la cour et de l’armée les païens et les hérétiques; le 13 décembre, une autre loi rétablit et amplifia la juridiction civile des évêques, et six jours après celle-ci une