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gouvernement eût contracté l’habitude de s’arrêter devant la limite des dépenses prévues et des ressources votées; mais cette bonne fortune a manqué dès la première année au nouveau régime. Il s’est présenté un cas que nous ne savons comment qualifier, qui n’est ni un cas ordinaire ni un cas extraordinaire, et qui a grandement altéré l’équilibre : ce cas est la guerre du Mexique. Les besoins créés par cette guerre vers la fin de 1862 ne sont certes point ordinaires, puisque, malgré les fortes allocations du budget, ils ont provoqué une dépense excédante de 24 millions. Ce cas n’est pas non plus de ceux que l’on range parmi les accidens extraordinaires, tels qu’une guerre européenne, qui rendrait nécessaire la convocation immédiate des chambres, car la guerre du Mexique avait été engagée pendant la dernière session, et la dépense imprévue qui en provenait était exigée par les renforts qu’on avait dû envoyer inopinément au Mexique pour assurer la sécurité de nos troupes et l’honneur du drapeau. Le cas n’étant pas ordinaire, l’expédient des viremens a été insuffisant; comme il n’a pas été non plus estimé extraordinaire, la chambre n’a pas été convoquée : on a fait tout bonnement un dépassement de crédit de 24 millions, sauf à demander à la chambre, qui d’ailleurs allait se réunir, le bill d’indemnité qu’elle vient d’accorder sans peine. Il reste donc de la première année d’expérience du nouveau régime financier ce fait très malencontreux, qu’il est démontré qu’avec ce régime il peut y avoir des dépassemens de crédit et des dépenses considérables engagées en dehors non-seulement des prévisions du budget, mais d’un ordonnancement public tel que celui qui résultait des crédits ouverts par décret.

Nous ne sommes pas de ceux qui cherchent à exagérer la gravité et la portée de ce fâcheux incident de la première année d’expérimentation du nouveau régime financier. Loin de là. Si les dépenses excessives de la guerre du Mexique sont la conséquence d’une regrettable faute politique, les résultats financiers de cette faute eussent été vraisemblablement beaucoup plus lourds avec le régime des crédits par décret. Nous croyons que, liée par les conditions du nouveau régime, l’administration a dû faire des efforts beaucoup plus sérieux pour restreindre ses dépenses; nous estimons enfin que le nouveau système a eu au moins pour effet avantageux de mettre plus promptement en évidence et de rendre plus sensibles les regrettables résultats financiers de la guerre du Mexique. Il importe cependant de tirer de cet accident la leçon qu’il renferme ; il importe que les dépassemens de crédit par suite de circonstances qui ne sont ni ordinaires, ni extraordinaires, ne deviennent pas une habitude; il importe enfin de rechercher s’il n’y a pas de moyen pratique de rendre ces dépassemens de crédit aussi rares que possible, afin que, la dépense étant renfermée dans la limite des ressources prévues et des crédits votés par la chambre, nos finances ne soient plus exposées aux déficit continus.

Qu’on y prenne garde, ce serait un grand résultat, non-seulement financier, mais politique, d’établir en France, comme un dogme, que la dépense